Aujourd'hui, un film de Jordan Peele ne peut que susciter l'attente : tant au regard de la qualité des films qu'il réalise que de leur aspect militant, voire politique, ou encore de son aura critique et de son rapport au fantastique.
Mais ne se souvenir que du très sympathique Get Out ou du formidable Us occulte certains accrocs quand il n'est pas derrière la caméra de ses projet : il n'y a qu'à jeter un oeil à son patronage du triste remake de Candyman pour se rappeler que le bonhomme ne transforme pas tout ce qu'il touche en or.
La promo de Nope avait réussi, sans rien déflorer de son intrigue, à jouer sur le mojo de Jordan Peele, à entretenir la flamme de l'impatience et à persuader que l'oeuvre serait une nouvelle réussite. Et vu que les premiers retours sont dithyrambiques, la légende Peele est encore appelée à prospérer longtemps.
Sauf qu'à la sortie de la séance, pour une fois, c'est le masqué qui va jouer les vieux grigous qui n'aiment rien.
C'est que la déception est immense, car Nope commence sur les chapeaux de roues et surtout là où l'on ne l'attendait pas, c'est à dire sur un plateau de série soap saccagé et repeint en rouge sang. Soit une image ultra choc où un élément surnaturel intriguant se démarque. Que du bon, c'est sûr. Même si ce dernier élément ne sera tout simplement jamais exploité par la suite.
Sauf que toute la première partie de l'effort est parasitée par un personnage féminin prétexte exubérant que le masqué a eu constamment envie de baffer. Mais s'il s'agissait du seul défaut du film, le masqué aurait accepté de faire l'effort de prendre sur lui. D'autant que les scènes de terreur concoctées par Jordan Peele sont d'une terrassante efficacité, échauffant l'imagination inquiète jusqu'au point de rupture en faisant référence à des classiques tels que Les Dents de la Mer et Rencontres du Troisième Type, tandis que le réalisateur reprend le schéma inaugural du Signes de Manoj Night Shyamalan, autrefois cador en matière de suspens et de menaces suggérées.
Du tout bon donc, encore.
Du tout bon aussi dans les thématiques suivies, du déclassement hollywoodien, de la satire sociale, du pouvoir de l'image parfaite et de la vaine recherche du quart d'heure warholien. Et l'on se demande avec quel génie Peele pourra lier tout cela avec l'apprivoisement et le contrôle illusoire de chaque animal qui traverse l'écran, avilis pour le bon plaisir et le divertissement dérisoire.
Sauf que cela n'arrive jamais au cours du film, donnant plus l'impression d'une juxtaposition de sujets dont certains sonnent comme des passages obligés ou des prétextes, que d'un véritable propos. A moins que le masqué, une fois encore, n'y ait rien entravé.
Tout comme il n'a sans doute rien entravé au propos de la critique enthousiaste qui, à l'image de l'ami Sergent, semble y voir un tableau assez corrosif de l'industrie hollywoodienne. Car Jordan Peele a beau convoquer le pseudo western comme réminiscence du passé glorieux, il se vautre surtout avec une paresse qui laisse pantois dans le gigantisme d'un climax sans queue ni tête de blockbuster générique, tout en en reprenant les pires travers.
Car par exemple, après avoir expliqué pendant plus d'une heure les règles présidant à l'apparition de la menace de son film, Jordan Peele les jette tout simplement aux orties pour laisser libre cours à son action gratuite, comme les perturbations électriques récurrentes qui n'ont plus aucun effet en fin de métrage.
Quant à la manière de s'en débarrasser, je préfère ne pas en parler, tellement cela fait mal aux yeux et fait passer cette menace comme l'une des plus crétines de l'univers.
Et comme ce qui apparaissait au début comme un sommet de terreur est ensuite représenté à l'écran comme une constante oscillation entre la montgolfière, la baudruche, une méduse échouée, un parapluie ou une paire de double rideaux tout droit issue du final de Elektra, Behind s'est pris le masque entre les mains, tellement la déception l'étreignait. Car il était à cent lieues de penser que c'était cela qui, finalement, se cachait dans ce nuage.
Mais sans doute n'a-t-il rien compris à ce que Jordan Peele lui a mis sous les yeux, ce crétin...
Behind_the_Mask, sky is the limit.