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Mon erreur a peut-être été de revoir Flags of our Fathers quelques jours après The Pacific, tant j’ai souffert de la redondance du sujet. Et forcément, un film de deux heures ne peut pas se permettre d’aller aussi loin qu’une série de dix, qui plus est lorsque celle-ci bénéficie d’un budget largement supérieur. L'œuvre de Eastwood paraît donc bien pâle en comparaison, tant sur le fond que sur la forme. Et pourtant, si les prémices sont similaires, la tonalité diffère suffisamment pour justifier cette nouvelle incursion à Iwo Jima.
Car Flags of our Fathers s’inscrit dans la droite lignée obsessionnelle de son réalisateur, celle qui traite de la figure du héros sous tous ses angles. Ici, ce sont ceux créés de toute pièce pour servir l’effort de guerre qui propulse au premier rang national des soldats qui ne se sentent pas méritants. Des types qui étaient juste là au moment d’une photo à priori insignifiante, alors que la bataille pour ce lopin de terre nippon allait encore durer une trentaine de jours. Des hommes qu’on a monté en épingle au détriment de leurs désirs de continuer à se battre pour défendre leurs frères d’armes. Dont un, Ira, un amérindien Pima que l’on continuera de discriminer malgré son statut national qui ne semble pas supplanter son héritage ethnique. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que Clint s’attarde sur cette hypocrisie, lui qui avait été le premier à donner un rôle consistant à un natif dans The Outlaw Josey Wales.
La facticité d’un héroïsme intéressé comme leitmotiv donc. Le mensonge d’une nation pour renflouer les caisses. Le cinéaste n’émet pas de critique, juste un constat. A chacun de juger si le jeu en valait la chandelle. Sur un plan macro, sans doute était-il nécessaire d’ériger ces individus en figures mythologiques pour galvaniser le portefeuille des foules, mais à hauteur d’homme, les effets sont dévastateurs. On entrecoupe alors ces images de campagne promotionnelle avec celles déssaturées de la bataille, où les couleurs de la vie ont fui pour laisser place à des terres monochromes. Les désillusions de Ira et Doc font écho à l’enchaînement rapide des morts de leurs compagnons tombés sur l’île, eux aussi hisseurs du drapeaux, eux aussi héros, mais qui tombent comme des mouches sans sacralisation picturale. Juste des gamins de même pas vingt ans qui s'affaissent dans l’oubli, et dont la dernière joie fut un bain de mer, un répit insouciant, à l’autre bout du monde.
Eastwood signe une œuvre mélancolique, sans bravoure, portée par une musique douce qui se place en opposition de l’imagerie désespérée. Celle de pièges qui s’ouvrent, de destinées qui sont fauchées, d’individus qui sont broyés par une guerre indifférente pour ses victimes.
J’avais vu le diptyque du cinéaste en salle à l’époque, mais il ne m’en restait aujourd’hui pas grand chose si ce n’est une préférence pour le second volet, Letters from Iwo Jima. Presque vingt ans plus tard, je vais être en mesure de dire si c’est toujours le cas, quand je bouclerai la boucle dans quelques semaines.