Mémoires de nos pères par Frankoix
Pour son 26ème film, Eastwood choisit d'évoquer le destin de ces six soldats qui plantèrent le drapeau américain sur le Mont Suribashi en 1945, après la bataille d'Iwo Jima. Un épisode-clé immortalisé par une photographie qui a fait le tour du monde.
"Mémoires de nos Pères" est une production superbe, autant sur la douleur des combats que sur le clinquant, l'artifice et la contrefaçon que représentent les honneurs de l'après-guerre. Le travail sur l'image (sensationnel) de Tom Stern sert admirablement la mise en scène d' Eastwood, particulièrement dans ces plans d'ensemble saisissants où apparaît la flotte de l'armée américaine ou lors des attaques aériennes sur l'île japonaise: Stern a su créer une symphonie de gris, de blancs étourdissants qui donne à chaque plan une dimension unique, très frappante.
Le film retrace avant tout l'histoire d'une photo symbolique qui deviendra une source de propagande et de profit pour le gouvernement américain; elle sera reconstituée en "live", devant un public avide de sentiment patriotique...et, le temps d'une scène mémorable, servira de modèle à un dessert glacé lors d'une réception officielle, représentation de l'absurdité absolue qui ridiculise et amoindrit le souvenir des combats.
La voix du vétéran, au début du film, exprime le rôle essentiel que devait jouer ce cliché: "ce que l'on voit, ce que l'on fait à la guerre...la cruauté...c'est incroyable. Mais il faut qu'on lui donne un sens. Pour ça, il nous faut une vérité facile à comprendre. Et foutrement peu de mots." Un photo qui va marquer la vie de combattants qui ne sont en réalité qu'un groupe de gamins, de survivants considérés comme des héros bien malgré eux. Le regard d'Eastwood sur ces hommes est très lucide mais reste toujours respectueux et réfléchi; "les héros sont quelque chose que l'on crée, dont on a besoin...c'est une façon de comprendre ce qui est presque incompréhensible", entend-on à la fin du film.
Une œuvre émouvante, sincère et puissante.