Mémoires d'un Escargot, à la fin de la séance, donne l'impression de sortir de la salle en 2009, après avoir assisté à la projection de Mary et Max.. Comme si quinze années n'étaient pas passées entre les deux.
Il rappelle de la même manière combien son réalisateur, Adam Elliot se révèle être un joyeux drille. Tout juste si le quasi noir et blanc de 2009 s'égaye quelque peu en 2025. Le motif est aussi le même, se concentrant sur une narration en voix off, la séparation de deux protagonistes et une relation épistolaire.
A première vue, de quoi traiter Adam de paresseux. Un peu quand même.
Sauf que les premières secondes du film viennent violemment démentir cette impression, en se promenant dans une incroyable accumulation, révélant un souci du détail et toute la minutie du réalisateur, dans une richesse visuelle tenant de l'exploit.
Doublée d'une sacrée richesse thématique aussi, même si elle est imbriquée dans une accumulation de pathos qui peut faire peur au premier abord. Mais Mémoires d'un Escargot choisit cependant d'en souligner le caractère absurde, tandis que Adam Elliot ponctue son effort de régulières bouffées d'oxygène salutaires, faisant souffler un vent de dérision, un peu d'étrangeté et un humour désabusé permettant au spectateur de supporter tout ce qui arrive à la jeune Grace.
Soit une empathie peu à peu éprouvée par un spectateur subjugué, Elliot abolissant peu à peu le quatrième mur et donnant l'impression de s'adresser directement à son public via les nombreux regards caméra ou encore cette voix off constante.
Compassion poignante, dérision, regards sur un monde absurde et galerie de personnages croqués avec bienveillance, à l'image de la charmante et atypique Petit-Doigt, Mémoires d'un Escargot, c'est tout cela à la fois, tout en venant rappeler tant que l'art de la stop motion est en voie de disparition, que l'animation, en définitive, transcende les carcans de son jeune public initial.
Car Mémoires d'un Escargot n'est assurément pas destiné aux enfants. Car le monde d'Adam Elliot n'est à l'évidence pas des plus heureux, avec ses personnages qui ne trouvent pas leur place, enfermés, que ce soit dans leurs idées noires, dans leur inaction ou leur lenteur, comme cet escargot qui ne peut échapper au flot ininterrompu des paroles de la jeune héroïne. Elliot soigne le mal par le mal, en s'emparant de la mélancolie qui nous étreint parfois pour mieux en éclabousser l'écran. Sans pour autant sombrer dans l'excès, mais au contraire, en en parlant avec une infinie tendresse. Pour nous faire comprendre que nos pires prisons, ce sont celles que l'on se construit quand on s'interdit de se lever et d'évoluer.
Mémoires d'un Escargot, finalement, parle de nos faiblesses et de nos douleurs pour mieux tenter non pas de les dompter, mais tout simplement nous inciter à vivre avec, dans une spirale d'émotions douces-amères assez rares à ressentir dans le genre.
Car il faut se rappeler qu'il est aussi normal, parfois, de ne pas se sentir bien et étranger à sa propre vie, ce que Adam Elliot semble éprouver et connaître intimement. Mémoires d'un Escargot en constitue, en ce début d'année 2025, le plus efficace des traitements.
Behind_the_Mask, je t'aime mélancolie.