À chaque visionnage de Memoria, un sentiment étrange m’envahissait. Celui d’être écrasé par le film, par cet enchaînement de plans dont la lourdeur faisait m’enfoncer encore plus dans mon fauteuil. Chaque plan renfermait un étrange mouvement qui était celui d’une fuite. Comme souvent chez Weerasethakul ce mouvement est invisible, et il faut le ressentir. Ce personnage de Tilda Swinton semble constamment avoir une énergie fuyant de l’écran, m’emportant alors dans ce mouvement et me transportant je ne sais où. Comme son personnage, recherchant la nature de ce bruit, comme Weerasethakul, se cherchant petit à petit dans ce paysage colombien, je me cherchais dans ce film. J’étais perdu dans chaque recoin des plans et bien au-delà, je n’étais plus dans la salle de cinéma bien que je semblais percevoir tout ce qui s’y passait, comme si chaque spectateur communiquait par son silence. Le générique de fin obligeant un retour au dispositif de visionnage, c’est toute la lourdeur du film qui s’enlevait miraculeusement de mes épaules, je flottais dans la salle et pourtant je ne pouvais plus bouger. Une amie à côté de moi est tombée en crise de larmes, et il m’a semblé recevoir ses émotions de manière décuplée, ainsi que toutes celles des spectateurs, créant un bouillonnement intérieur me tétanisant encore plus. Chaque image du film me terrifie encore, me donne envie de pleurer et de m’évader. Je suis hanté par ce film auquel il me semble inutile de faire face.

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le 6 déc. 2021

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NocturneIndien

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