Bong Joon-ho excelle à composer des films à la fois malaisants et drôles, pathétiques et bouffons : on termine Memories of Murder le coeur serré alors qu’on a passé plus de 2h à répéter « non mais c’est pas possible » et à rire jaune.
J’ai su après que le film s’inspirait d’une histoire réelle, j’avoue que sans ça certains éléments m’auraient paru trop complaisants ou voyeuristes (oui je n’en peux plus de voir des femmes se faire violer et massacrer). On a l’impression de débarquer en plein « Strip tease » coréen (je parle de l’émission hein), avec ses inspecteurs détestables et beaufs, ses faubourgs populeux et cette enquête macabre menée sans méthode ni déontologie.
C’est brutal et grotesque, mais au fur et à mesure où les pistes s’annulent et l’enquête piétine, on est pris de désespoir, face à ce mal invisible qui s’insinue les jours de pluie, et qu’on ne sait maitriser… La course poursuite du pervers au milieu du chantier qui pullule d’ouvriers anonymes illustre bien cette sensation. On est tenu en haleine mais cette fin en forme d’échec et de menace sourde, n’est même pas frustrante : elle donne toute sa profondeur au propos. On a suivi des bouffons, mais l’enquêteur de Séoul ne fera pas mieux. Le mal rôde, et lui aussi finira par vouloir expier cet innommable en tuant un innocent.
J’ai été dérangé par cette histoire, qui m’a été présentée comme une satire barrée sur la police coréenne, mais les derniers instants du film lui donne une vraie ampleur, ces femmes ne sont pas mortes pour nous faire rire. Ça m’a secoué.