Memory
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Film de Michel Franco (2023)

Mélo relativement convenu sur le papier, le nouveau film de Michel Franco joue avec plusieurs attendus du genre. Dans cette intrigue relatant la rencontre entre deux âmes fêlées, à savoir un homme atteint de démence, victime de nombreuses amnésies, et d’une femme qui fait tout pour oublier un passé traumatique, les ingrédients sont évidemment un peu trop parfaits pour concocter le parfait cocktail pathos/épreuves/résilience.


Le film souffre d’ailleurs par instant de quelques faiblesses d’écriture, notamment dans la manière dont on évolue d’un stade à un autre : le changement des relations entre les protagonistes, le temps des révélations et le revirement de certains seconds rôles peuvent sembler abrupts au vu de la complexité dépeinte jusqu’alors. La manière de marier deux destinées contrariées, toujours en lutte contre leurs proches (une mère opaque, un frère geôlier) vire aussi un peu au schématisme, opposant systématiquement un élément perturbateur à leur possible évolution.


Mais la réussite du film tient précisément dans sa manière de tenir à distance ces ressorts, voire de les subvertir un temps pour troubler les repères du spectateur. L’exposition, assez opaque, présente des comportements difficiles à cerner, le jeu des points de vue oscillant sans cesse entre la perception faussée des personnages et un surplomb qui reste volontairement à distance. C’est dans cette première moitié du film que Franco parvient à installer une atmosphère instable, où l’empathie pour les deux personnages se voit continuellement rongée par une forme de doute raisonnable sur leur capacité à saisir sainement la vérité. La fantastique incarnation de Jessica Chastain et Peter Sarsgaard travaille ces contradictions : la femme verrouille sa maison comme elle l’a fait avec tout son être, dans une protection excessive du monde, tandis que veulent s’échapper d’elle des torrents d’horreur refoulée ; l’homme, quant à lui, porte avec lui un inconnu qui l’empêche de se faire confiance, ne pouvant se fier à ses propres souvenirs. Le regard presque clinique sur ces prisonniers, tout en plans fixes et souvent généraux, place des silhouettes dans un environnement difficilement habitable, et joue habilement de l’attraction/répulsion pour les autres, qui peuvent autant accroitre la douleur qu’ébaucher des voies de sortie. Le rôle de la fille est à ce titre joliment écrit, et cette réversibilité alimente un trouble dont on ne peut jamais se défaire, au diapason de ces personnages ayant forgé tout leur tempérament dans la méfiance. Ainsi de cette très belle scène de sexe, où le désir se voit contrebalancé par la peur, l’amour par le besoin de courage, le réalisateur parvenant parfaitement à saisir le juste regard pour communiquer la fébrilité sur le fil de ses personnages. Une fragilité qui pourra rendre tolérant à l’égard de certaines maladresses d’écriture, et justifie un final suspendu dans lequel, à l’instar de ces apprentis de la sérénité, on ne peut pas encore entièrement croire dans un dénouement dénué de toute zone d’ombre.

Sergent_Pepper
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le 31 mai 2024

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Sergent_Pepper

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