Un couple sauvagement assassiné à la hache. Voilà sur quoi s’ouvre Ménilmontant, dans un montage extrêmement saccadé où il est impossible d’identifier les tenants et aboutissants. En même temps que deux fillettes s’amusent dans un sous-bois. La cruauté adulte d’un côté face à l’innocence enfantine de l’autre. On comprendra bientôt que les deux fillettes sont sœurs et que ce sont leurs parents qui sont morts.
La transition avec Ménilmontant, le quartier parisien, s’effectue dans un cimetière : Les tombes des parents ne sont bientôt plus que des ruines. Le temps a passé. Les fillettes ont grandi. Pourtant, la suite sera tout aussi dure et cruelle, dans un registre formel plus doux. Parcourue par des ellipses et des errances, cette deuxième partie révèle – après la découverte et les jeux amoureux – la part sombre de la vie parisienne : la prostitution, la pauvreté, la jalousie entre les deux sœurs, la solitude, être mère mais ne plus le vouloir. Le regard de cette jeune maman, dépassée par les évènements, jeté vers la Seine alors qu’elle tient son bébé dans les bras est un moment de suspension terrible, qui parait interminable. La scène sur le banc aux côtés d’un clochard qui lui offre pain et saucisson est du même acabit. Beau à pleurer mais d’une âpreté inédite, hyperréaliste. Et la fin, incroyable, où de magnifiques retrouvailles d’un côté sont perturbées par une rixe ultraviolente de l’autre, pas très loin, dans un montage qui semble faire miroir avec la séquence d’ouverture.
Dimitri Kirsanoff prend son temps pour capter Paris, la fuite du temps – uniquement par la mise en scène – et pour saisir l’étirement quand il y en a besoin, les inserts anodines offrant un cachet quasi documentaire au film. Un docu-fiction sur le Ménilmontant de 1926.
Ménilmontant est un film choc, un mélodrame puissant, moderne, terrifiant, dont la grande particularité ô combien honorable est de ne contenir absolument aucun intertitre.