Dans le quartier parisien du Ménilmontant des années 1920, deux sœurs dont les parents ont été tués par un fou furieux travaillent dans l'art floral en concevant des bouquets. Elles vont tomber amoureuses d'un même type, un jeune titi, qui va non seulement rendre enceinte la cadette mais plonger l'aînée dans la prostitution. Le film raconte la descente aux enfers de ces deux femmes pas gâtées par le destin.
Bien que Ménimontant soit muet, le réalisateur Dimitri Kirsanoff a fait le choix de ne proposer aucun intertitre, de sorte qu'il faut une concentration aiguë pour tout comprendre dans ces 45 minutes sans descriptions ni dialogues. Et pourtant, le charme de cette œuvre (quasi) centenaire a totalement marché sur moi, car là est le pouvoir de l'image et dans cette noirceur où plongent peu à peu ces sœurs, victimes entre guillemets d'un seul homme. Il y a notamment le visage très expressif de Nadia Sibirskaïa, la cadette, qui va avoir un enfant dont le père se désintéresse et qui va manquer mourir de faim jusqu'à cette scène magnifique où un vieil homme va lui donner un morceau de pain, plus par pitié. La surprise est aussi dans la mise en scène de 1926, qui est proprement incroyable, car plus de 30 ans avant la Nouvelle Vague, on a des plans caméra à l'épaule dans la rue en plein Paris, sans oublier un Ménilmontant qui semble ailleurs, quelque chose de presque fantastique.
Jusqu'à sa résurrection par Lobster en 2022, je n'avais jamais entendu parler du film, qui est assez bref, mais qui a déjà une croyance inébranlable en l'image, et novatrice avec ces plans de rue, ou ces surimpressions, mais surtout quelque chose sans manichéisme, avec le portrait de ces deux sœurs dans une détresse profonde.