Suite à un accident où il provoque la mort d’un garçon de quatorze ans, un fils se retrouve sous la coupe d’une mère autoritaire et castratrice qui met tout en œuvre, à l’aide de son carnet d’adresses et de ses nombreuses relations dans le milieu politique, pour éviter à ce dernier la prison, mais aussi le garder auprès d’elle. Dans la Roumanie actuelle, la corruption, l’argent et le pouvoir autorisent à toutes les manœuvres, comme autant de privilèges d’une caste nantie et supérieure. Néanmoins ce film à la tension croissante et suffocante dans de longues séquences filmées caméra à l’épaule a le mérite de montrer la complexité et la versatilité de cette relation conflictuelle où l’amour et la haine prennent le pas tour à tour. Est-ce parce qu’elle est dirigiste et manipulatrice aussi bien vis-à-vis de son mari que de son fils, ainsi que de la petite amie de celui-ci, que les hommes de sa famille sont veules et lâches, ingrats et injurieux ou, au contraire, est-ce parce qu’elle pressent leurs faiblesses et leur pusillanimité qu’elle s’astreint à prendre les devants pour régler l’affaire auprès de la police, davantage préoccupée à tirer profit de la situation confortable de cette femme sèche et calculatrice comme auprès d’un témoin retors et difficile à amadouer et à acheter ? La réponse n’est certainement pas évidente.
Celle qu’on voit d’abord évoluer dans son univers aisé, notamment dans une somptueuse fête d’anniversaire où est convié tout le gratin, n’inspire pas une sympathie immédiate. Pas plus au demeurant que son fils irresponsable et immature, qui se pique pourtant d’indépendance et s’apprête à rejeter l’aide de sa mère. Les liens filiaux sont autrement plus complexes, contradictoires et ancestraux pour qu’ils se rompent dans l’adversité et dans le rejet d’une solidarité de classe. Entre mante religieuse et Mère courage, entre émancipation et respect, entre calcul froid et émotion impossible à dissimuler ou à contrefaire, l’une et l’autre s’avancent sur le chemin de la rédemption. Un chemin ponctué d’étapes comme autant de scènes magistrales où la circulation de la parole empêche tout manichéisme sans oblitérer l’absence du choix et l’intransigeance redoutable des déterminismes.
La qualité d’un cinéma autochtone demeure donc inversement proportionnelle à l’état de déréliction et de déclin du territoire sur lequel il s’épanouit avec une énergie et une audace jouissives. La mère de Mère et fils devient dès lors l’étendard d’un pays dont les élites et la classe supérieure ne raisonnent qu’en rapports de force et de domination dans un souci mortifère et grégaire de conservation.