Sur les cimes du désespoir
Lorsque Cornelia apprend que son fils Barbu, avec lequel elle entretient une relation conflictuelle, est impliqué dans un accident de voiture qui a coûté la vie à un enfant, elle décide de mettre tout en œuvre pour lui éviter la prison. Lauréat de l’Ours d’Or lors de la 63ème Berlinale, le Roumain Calin Peter Netzer signe un troisième long métrage aux allures de documentaire, radiographie d’un monde gangrené par de petits arrangements entre ennemis.
Mère et fils juxtapose deux deuils ; l’un, au cœur du récit, met en scène une mère qui tente coûte que coûte d’éviter à son fils qu’il ne croupisse en prison, et qui prend conscience, à l’occasion du drame qu’il traverse, de la dissolution des liens qui les unissent. L’autre, hors champ, est tu jusqu’à une scène finale bouleversante qui révèle des parents accablés par la mort de leur jeune garçon. Récit de la collision soudaine de vies parallèles désormais unies par une tragédie commune, qu’il s’agisse d’une mère et de son fils, ou de la rencontre entre l’élite bucarestoise et des villageois modestes, Mère et fils dresse un constat désespéré sur la difficulté presque insurmontable à établir une relation avec l’autre.
Comme pour s’assurer de garantir un traitement « vrai » à son récit – double de la quête de l’héroïne dans sa lutte acharnée pour retrouver une relation authentique avec son fils – Calin Peter Netzer investit son sujet en empruntant les codes du documentaire, en témoigne notamment la scène inaugurale où Cornelia et sa sœur, filmées caméra à l’épaule, bavardent dans leur salon. Porté par le souci du vrai, le cinéaste en constate l’abolition dans les rapports qu’entretiennent les individus les uns avec les autres, qui ne survivent plus que par les seules transfusions de « liquide » qui passent entre toutes les mains. Ce liquide, monnaie fiduciaire, en laquelle étymologiquement on a confiance, devient le seul faire-valoir d’une femme en qui plus personne ne parvient à croire tant elle s’est compromise. La scène finale où, quelques heures avant l’enterrement, Cornelia se rend chez les parents de la victime pour leur faire des excuses qui se muent en une confession abjecte sur l’amour qu’elle porte à son enfant, traduit l’ambivalence d’une femme détestable qui fait pourtant tout pour être aimée.