Mes chers amis par Alligator
nov 2011:
Mon premier de la série de films que je vais aller voir au 33e Cinémed. Cette année est consacrée entre autres à Pietro Germi. Quelle bonne idée! D'autant que le cinéaste n'a pas la place qui lui est due. Un peu trop méconnus, ses films en dvd français sont trop peu nombreux. Aussi, découvrir une plus large palette de ce cinéaste sur grand écran est-il un privilège que je savoure à sa juste valeur et sans sobriété.
Or, pour mon premier Germi de la semaine, je vais voir... un Monicelli! Pas si bizarre bien entendu quand on sait que le film a été écrit en grande partie par Pietro Germi -même si Leonardo Benvenuti, Piero De Bernardi et Tullio Pinelli ont co-signé le scénario- et devait être réalisé par Germi. Mais trop fatigué par la maladie, se sentant incapable, il a demandé à son ami Mario Monicelli de le tourner pour lui. On ne peut se soustraire à cette belle histoire d'amitié car les premières lettres du générique nous la rappellent en indiquant d'abord "Un film di Pietro Germi" et en concluant par "Regia di Mario Monicelli". Voilà tout est dit! Et que le spectacle commence!
Tout de suite, on est accueilli par le personnage de Philippe Noiret et sa voix italienne en off qui commente sa petite vie, en disant que tout le monde l'appelle "Perozzi" tant et tant de fois qu'il ne se souvient plus de son prénom. Cette astuce narrative est à l'image de tout le film, finement ciselée, aboutie, maligne. Elle représente bien le magnifique travail d'écriture de l'équipe citée plus haut.
Et bien entendu, elle illustre à merveille cet humour mélancolique, désenchanté, quelque peu vindicatif à l'égard de l'absurdité de l'existence. On est loin de l'Italie ensoleillée. L'histoire se déroule essentiellement en hiver, il pleut, il y a du brouillard souvent, on est bien couvert, les villes sont un peu grises. Le sourire est caché, il faut aller le chercher avec conviction.
C'est par Perozzi qu'on rencontre peu à peu les autres personnages, les acolytes, les "amis", les copains de farces-et-attrape, Gastone Moschin, Ugo Tognazzi et Duilio Del Prete. Viendra s'intégrer à la bande de freluquets quinquas Adolfo Celi.
Gastone Moschin a ma préférence. Sa tête d'ahuri amoureux transi rappelle le personnage qu'il interprète déjà dans "Signore & signori", un être malhabile avec ses élans et la sincérité de ses sentiments.
Adolfo Celi en toubib faussement froid, assez autoritaire est formidable de duplicité.
Ces 5 zigotos ont passé l'âge des fariboles et blagues de potache et pourtant ils s'en délectent encore et encore, comme de sales petits morveux, ou plus sûrement comme on s'accroche à une bouée de sauvetage. La vie est triste, morne, suffisamment emmerdante comme ça au naturel pour qu'on s'y construise des îlots de survie, des histoires et des rires pour respirer.
On suit ces aventures où se développe une espèce de philosophie de vie de chandelles brûlées par les deux bouts, malgré tout, malgré la connerie de leurs enfants coincés dans une morale étriquée, des épouses pas toujours consentantes, et malgré surtout les aléas de la vie pas toujours heureux. On rit beaucoup, et puis comme il s'agit d'une comédie italienne, la tristesse n'est jamais très loin et se rappelle aux mauvais souvenirs des personnages. Comme un Monicelli qui se défenestre pour faire la nique à sa maladie et sa vieillesse, les personnages sourient face à la mort, coûte que coûte.
Et nous, spectateurs, sommes obligés d'applaudir.