La bande annonce m’avait donné envie de le voir, mais sans toutefois me convaincre totalement. Ce film faisait très post nouvelle vague, littéraire et pas très bien joué, peut être un poil prétentieux, avec un sujet à la fois intéressant mais facilement casse gueule : un jeune étudiant lyonnais en cinéma "monte" à Paris pour poursuivre ses études et devenir (peut être) cinéaste.
Ajouté à cela qu’un de mes éclaireurs (que j’aime bien) avait descendu le film, j’ai du faire un effort sur moi-même, me convaincre que je pouvais prendre mon destin en main, comme un grand et j'ai décidé d’aller le voir, mais en n’en menant pas large, la sueur au front, les aisselles moites, les boyaux en compote et la queue basse entre les jambes flageolantes.
Et puis finalement, ça s’est bien passé. Le film est certes très écrit et le jeu des comédiens non naturaliste (un peu comme dans La maman et la putain, d’Eustache), mais justement ce coté littéraire permet des dialogues intéressants, avec des discussions entre étudiants sur le cinéma, l’urgence ou la nécessité d’en faire, les chapelles qui se confrontent (les tenants d’un cinéma exigent contre un cinéma qui plait), les certitudes et les doutes de chacun. Et puis, on suit aussi et surtout la vie de tous les jours de ces jeunes gens, leurs amours, leurs engagements, leurs drames et l’aptitude qu’ils ont à s’adapter à un monde désenchanté, avec le réchauffement climatique et la pauvreté de plus en plus visible aux portes de Paris en toile de fond.
Le film est très ancré dans la réalité d’aujourd’hui (on entend parler de la candidature de Macron) mais le noir et blanc, les références philosophiques ou littéraires (Pascal, Nerval, Novalis, Rimbaud) ainsi que la musique classique (Bach, Mahler) le rendent également intemporel et font qu'il traite de la jeunesse de toujours.
Etienne, le personnage principal (Andranic Manet), manque de charisme et son indolence permanente, ainsi que son air morose sont un peu pénibles à supporter. Mais les autres personnages, ses deux copains de fac et ses copines, notamment, sont plus relevés et intéressants. A noter qu’en dépit de son coté mou du genou, Etienne est un séducteur passif hors normes auprès de jeunes femmes, plus jolies les unes que les autres.
La photo et la mise en scènes sont de qualité, la scène de désir entre Etienne et sa première colocataire étant par exemple superbe.
Jean Paul Civeyrac a certainement puisé dans ses propres souvenirs de jeunesse et même s’il emprunte à Eustache, Garrel, Rohmer ou Desplechin, son film reste très personnel. Si elle n’atteint pas des sommets émotionnels ébouriffants, cette initiation romanesque et politique d’un jeune provincial venu éprouver sa vocation dans la capitale et rencontrer des garçons et des filles de son âge est, de mon point de vue, tout à fait recommandable,