Mes séances de lutte par ArthurPorto
Séances d'un amour acrobate!
C'est du corps à corps, du mot à mot, engagés par cette jeune femme qui, suite au décès de son père, exorcise, traite ou soigne (?) ainsi le désamour qu'elle a toujours ressentie de sa part à lui, voire de toute sa famille. "Mes séances de lutte" c'est le rituel qui s'est installé avec un solitaire du village, pour qui elle a toujours eu beaucoup d'attirance. Lui qui fait office de gardien d'une chaleureuse demeure, travaillant la terre, faisant du torchis dans la grange de la maison et se consacrant à l'écriture.
De leur confrontation autour de l'image du père abandonnique, progressivement va se concrétiser une sorte d'affrontement, qui paraît -qui est- violent, mais qui prend le spectateur par ces beaux plans de lutte physique (dont la chorégraphie est la création de James Thierrée, l'acteur) souvent comme un ballet, toujours filmés avec grande maîtrise par une caméra dansante, les rendant fluides presque légers...
Il y a dans les dialogues comme dans le combat, une sorte de continuité et de constance, une "séance d'analyse" pour donner forme à ces névroses qui se "bataillent", dans une recherche commune de vaincre l'indicible du mal vivre, l’exclusion familiale pour Elle, l'amour-propre blessé pour Lui (ils n'ont pas de prénoms).
Cette recherche aveugle, sans retenue, comme une corrida de l'amour, "un tango silencieux", dira Lui dans une réplique, me semble entraîner le spectateur dans le mouvement, où chaque scène pousse l'autre et nous sommes, à partir d'un certain moment, pris dans le dénouement du "va où le corps te mène", subjugués par la qualité cinématographique de Jacques Doillon, et de la beauté de ses plans.
Les deux maisons dans le village sont également accueillantes, avec de nombreux tableaux, se prêtant chacune à mieux cerner la singularité des personnages. Rapide, virevoltante, sans attaches, excepté le piano, chez Elle. Sereine, modulable, apaisante chez Lui. Ce contraste sera mis à l'épreuve par ses arrivées à Elle, en trompe lorsque, envahie par sa douleur ou sa rage cherchant le défi, dont elle finira par dicter les règles.
Je trouve la dernière séquence éblouissante où les deux acteurs nus, après un long corps à corps d'amour et de lutte, s'apaisent, désarmés, détendus! Il me reste tout de même une interrogation sur cette frénétique "guerre des sexes", comme si rien d'autre pouvait assouvir leur besoin d'absolu, de réalisation?
"Elle" c'est Sara Forestier, révélée par l'Esquive; "Lui" c'est James Thiérrée, acteur, danseur, musicien suisse, petit-fils de Chaplin. Avec Jacques Doillon, ils forment un trio de "campagne" pour un beau cinéma!