La première fois que j'avais vu "Mes Voisins les Yamada", j'avais ressenti une légère déception devant ce film généralement célébré des Sudios Ghibli : malgré la grande élégance d'un graphisme faussement décontracté, le rythme particulier et l'humour 100% japonais du film m'avaient laissé un peu sur ma faim. En tentant de concilier gravité et légèreté, intimisme et amplitude, précision du détail et dérive improbable du rêve, Takahata réalisait une oeuvre à la fois enjouée et cruelle, à mi-chemin entre le documentaire dessiné et la fable en roue libre, bref assez déroutante... qu'il me fallait revoir pour mieux m'en approcher...
Revoir le film quelques années plus tard, en faisant cette fois abstraction des attentes que j'avais (tant formellement que thématiquement) de la part d'un film du Studio Ghibli, m'a permis d'apprécier pleinement le comique subtil de cette chronique sociale et intimiste... et de réaliser qu'on n'était finalement pas si loin de Taniguchi et de son quotidien déchirant. La magnificence d'un dessin faussement naïf, réduit (comme on réduit une sauce pour lui conférer plus de goût, pour en atteindre l'essence même) à des traits griffonnés et quelques taches de couleurs, préserve l'essentiel du comic strip quotidien dont le film est issu : simplicité dans l'efficacité légère du gag et familiarité croissante et rassurante avec le petit monde des personnages. Ce qui n'empêche pas Takahata de sublimer son histoire dans quelques séquences mémorables, comme la parabole de la vie de couple (qui ouvre magnifiquement le film) ou la confrontation avec les motards, avec ses essais formels étonnants.
Un film trompeur, une vraie merveille.
[Critique écrte en 2002 et 2005, mise en forme en 2020]