Encore un film difficile de Maya Deren, vu quelques jours après At land de la même cinéaste, mais sorti un an avant lui, en 1943. A l’origine, le film était complètement silencieux ; en 1959, son mari d’alors a ajouté une musique qui accroît fortement le côté fascinant de ce court métrage. Je vous conseille de voir cette version. Mais je dois dire qu’au sortir du premier visionnage, sans musique, j’étais quelque peu perplexe. Je peux apprécier le cinéma expérimental, je n’ai rien contre les tentatives d’approfondissement des possibilités du medium, mais pour moi, voir un film, ce n’est pas seulement observer des performances techniques ou des inventions dans les procédés, mais d’abord et avant tout vivre une expérience fondée sur une narration, une histoire, des émotions. Et ici, le film m’apparaissait de prime abord trop confus, trop labyrinthique par sa mise en abime complexe pour que je puisse bien le comprendre, saisir ce qui se passait à l’écran avant de pouvoir l’apprécier.
Je n’étais vraiment pas satisfait, il me fallait des explications, d’autant plus que le film était plutôt bien considéré. Après de rapides lectures ici ou là, j’avais encore du mal à voir dans Meshes of the afternoon le rite de passage entre l’enfance et l’âge adulte, ça ma paraissait tiré par les cheveux de Maya Deren, qu’elle a néanmoins magnifiques. On est un peu dans du Escher, et Marc-Antoine Mathieu ne détesterait pas, mais le film me paraissait encore trop labyrinthique, même si j’adore les labyrinthes.
Je me suis alors davantage renseigné, sur la toile, et j’ai notamment trouvé quelques éléments d’analyse ici :
http://www.centrepompidou-metz.fr/sites/default/files/images/dossiers/2011-12-erre-INITIATION-edification.pdf
et là :
http://lilismovies.blogspot.fr/p/dossier-maya-deren.html
Sans me convaincre complètement, j’ai pu revoir le film avec une grille de lecture pouvant donner un peu de sens au film : il s’agirait d’évoquer la perte de la virginité du personnage féminin, ses angoisses et ses doutes, la recherche craintive de la relation sexuelle, et puis le passage à l’acte, provoquant une désorientation, l’orgasme mais aussi la mort, par suicide, assassinat ou seulement une mort métaphorique, la mort de l’enfance et le passage à l’âge adulte. Le tout étant exprimé d’une façon que je trouve excessivement symbolique, avec la fleur, symbole de virginité, mais aussi des symboles phalliques ou significatifs comme le couteau ou la clef. Mais sans quelques clefs de lecture, il est difficile d’y voir un tant soit peu clair.
Bref, ce film est intéressant, mystérieux et fascinant par la mise en abime, la confusion entre le rêve et la réalité, mais un peu trop difficile d’accès à mon goût. Un film avant-gardiste assurément, un peu surréaliste même si Maya Deren refusait de l’associer à ce mouvement par sa construction bien précise ; un film féministe pour certains, ce qui n’est pas si évident. Mais par son rôle de réalisatrice et d’actrice principale, la création de ce film était déjà un geste féministe, dans une société où les rôles des uns et des autres étaient encore bien délimités. Ce n’était pas rien.