Il est surprenant de voir Alex de la Iglesia,réalisateur spécialisé dans la fiction comico-horrifique,faire un documentaire sur Lionel Messi mais ça situe l'idolâtrie suscitée par le footballeur argentin en Espagne,où il a fait l'essentiel de sa carrière sous les couleurs du FC Barcelone.Le dispositif adopté ici est pour le moins original.Ca se passe dans un restaurant où toutes les tables sont occupées par des gens ayant connu le joueur à des titres divers et qui parlent de leurs souvenirs le concernant.La caméra passe de table en table et filme les amis d'enfance de Messi,ses enseignants,ses entraîneurs,ses coéquipiers,ses dirigeants ou des journalistes sportifs,l'ensemble de leurs déclarations esquissant un portrait de la star et décrivant son cheminement existentiel.C'est original certes,mais un peu fouillis dans la mesure où ça va trop vite,on saute rapidement d'un intervenant à l'autre,on n'a pas toujours le temps de lire les noms et fonctions de ceux qui parlent,et ces images sont de surcroit entrecoupées de séquences illustrant la jeunesse de Leo interprétées,fort mal d'ailleurs,par des acteurs,ce qui donne un côté fictif jurant avec la nature documentaire du film.Heureusement ça s'arrange avec l'évocation de la période adulte de Messi,car là on dispose d'images d'archives qui manquaient pour son enfance.Le début est assez hagiographique,les amis et les profs disant le plus grand bien de Lionel,décrit comme un enfant puis un ado sympathique et surdoué au foot.Mais à mesure que les langues se délient on en apprend un peu plus,les enseignants révélant qu'il n'en foutait pas une rame à l'école et ses camarades semblant légèrement blessés qu'il ait fini par couper les ponts avec eux.Ce qui ressort au final est que le garçon était un monomaniaque complètement obsédé par le football,un génie précoce habité comme tout champion d'exception par une part de monstruosité.Son talent est monstrueux,ou l'était car il n'est pas question ici du fantôme du PSG,mais son mental l'est aussi et toute son énergie était tendue vers un seul objectif:devenir une star du ballon rond.C'est ainsi qu'il a franchi tous les obstacles,notamment la maladie qui a freiné sa croissance avec un déficit hormonal ayant entraîné l'usage de traitements très coûteux.Il a dû aussi quitter l'Argentine et sa famille à 13 ans pour aller à Barcelone,seul son père l'accompagnant en Espagne.La suite on la connait,les échelons gravis à toute vitesse tant ses qualités étaient évidentes,l'ascension au Barça avec à la clé quatre Ligues des Champions,10 championnats d'Espagne et sept Ballons d'Or à titre individuel,avec en parallèle les sélections en équipe d'Argentine couronnées par une Coupe du Monde des moins de vingt ans,un titre olympique et une Copa America.Des buts et des passes décisives par milliers,des dribbles en veux-tu en voilà,des centaines de matches gagnés presque à lui seul....mais pas de Coupe du Monde!Il n'a pas eu la chance d'avoir à ses côtés une grande génération de joueurs argentins et le foot reste un sport collectif où un élément,aussi brillant soit-il,ne peut remporter de titre majeur sans une solide équipe autour de lui.Ca restera sans doute son grand regret,à moins que l'Argentine ne gagne en fin d'année au Qatar mais c'est hautement improbable.C'est d'autant plus un regret pour lui que son idole Diego Maradona l'a fait,lui.Fasciné dès l'enfance par l'attaquant de Naples,qui a également joué à Barcelone,Messi lui a souvent été comparé,ce qui donne lieu autour des tables à des polémiques entre entraîneurs et journalistes,certains affirmant qu'on ne peut comparer des joueurs différents évoluant à des époques différentes.C'est partiellement vrai mais il est impossible d'ignorer les similitudes entre Leo et Diego,le premier apparaissant souvent comme l'héritier,pour ne pas dire la réincarnation,du second.Deux gamins des rues issus de quartiers pauvres argentins,deux artistes de génie détectés précocement qui ont tous deux servis d'attractions en faisant du jonglage à la mi-temps des matches,deux joueurs évoluant au même poste et possédant les mêmes caractéristiques,petite taille,facultés d'accélération prodigieuses,appuis incroyables permettant des changements de direction phénoménaux,talents de dribbleurs et vision du jeu insensés,précision diabolique du geste technique et maniement surnaturel du ballon.Ils sont en outre tous deux partis chercher fortune en Europe et y ont débuté au Barça,puis sont devenus leaders de la sélection argentine,dans laquelle Messi a d'ailleurs évolué sous la direction de Maradona quand celui-ci en était le coach.Tout ceci est assez troublant et si les différences entre eux sont de taille,elles sont plutôt d'ordre personnel et psychologique.Parce que là ce n'est plus du tout pareil entre la rock star Maradona qui a bousillé sa vie et sa carrière en se laissant aller à tous les excès et le très sérieux Messi,sportif moderne ascétique féru de préparation physique et de vie saine,marié à une amie d'enfance à laquelle il a toujours été fidèle pour autant qu'on sache.Il a bien eu quelques problèmes avec le fisc espagnol,pas évoqués dans le film mais il a dû être tourné avant,qui seraient cependant dus à la gestion de son père à qui Leo délègue ce genre de travail.Quoi qu'il en soit les deux cadors argentins font partie des légendes du foot et appartiennent au cercle très restreint des génies aux côtés de Kopa,Pelé,Cruyff,Platini et Ronaldo.Il y a du beau monde dans ce restaurant et Johan Cruyff est justement au nombre des participants à cette sorte de Café du Commerce où l'on reconnait au passage César Luis Menotti,ancien sélectionneur argentin,ou des coéquipiers barcelonais ou argentins de Messi comme Mascherano,Valdano,Piqué ou Iniesta.Il faut avouer que Lionel est tombé à l'époque bénie de Barcelone quand,sous les ordres de Pep Guardiola,on y pratiquait un magnifique football offensif où pouvait s'épanouir un attaquant tel que lui,entouré de superbes joueurs comme Xavi,Iniesta,Fabregas ou Busquets.