Drôle de conte situé dans le cadre si particulier des monastères des Météores, dans lequel un moine grec et une nonne russe tombent amoureux l'un de l'autre. Le film travaille une ambiance onirique évidente, de par la nature purement géologique des lieux (perchés aux sommets de monolithes de grès) et à travers l'utilisation d'images animées rappelant d'anciennes gravures.
On est comme suspendu, perdu dans des rêves, perdu entre le ciel et la terre, perdu en pleine orthodoxie et ses codes qui contrastent avec toute notion de modernité. Pas d'électricité, seulement un système de poulie pour faire monter ou descendre des vivres et des gens tout en haut de l'édifice d'une côté (des femmes), et des escaliers interminables de l'autre (des hommes). En bas, loin de la religion, les moines rencontrent de temps en temps des paysans qui jouent de la flûte ou sacrifient des chèvres (un passage un peu trop forcé, dans sa forme, pour montrer le caractère brut de cet univers, mise à mort d'un animal mis en scène avec une caméra extrêmement mobile alors que le reste du film est presque uniquement en plans fixes). L'agneau de dieu sacrifié sur l'autel de l'amour : image très très explicite.
J'ai beaucoup apprécie le traitement de la passion, le recul pour illustrer ce conflit intérieur qui bouleverse ces deux religieux dont la foi est minée par le désir charnel. C'est anti-spectaculaire, très attaché à la description des petits gestes, alors que le cadre grandiose aurait pu laisser enfler un certain gigantisme. C'est par le mode de l'animation que les passions se déchaînent principalement (hormis une scène montrant le corps de la nonne et une autre qui voit le couple faire l'amour dans une grotte), avec le sol qui s'effondre pour laisser place à un tableau de l'enfer, avec l'homme face à un ours, avec les cheveux de la nonne qui rejoignent la chambre du moine pour les unir, ou avec le fil d'Ariane au sein d’un labyrinthe couplé à une crucifixion. Des moments suspendus.
Très original, dans la forme, dans le fond, dans la façon d'aborder l'attirance charnelle dans un contexte religieux. Dommage que le soulignement systématique enferme le film dans un carcan explicatif.