Metropolis de Rintaro est un film que je préfère sans honte à son glorieux modèle. Je veux parler du film muet de Fritz Lang, révolutionnaire à son époque et source d’inspiration pour de nombreux films de science-fiction (Blade Runner, Dark City et d'autres encore).
Qu’on se comprenne bien : il faudrait être le dernier des veaux pour ne pas reconnaître la puissance visionnaire du film de Fritz Lang. En revanche, j’estime qu’on a le droit d’être critique (et c’est un peu le sens du site que de prendre un peu de recul même sur de grands classiques) vis-à-vis de la fin et du message socio-politique qui l’accompagne "Le médiateur entre le cerveau et les mains doit être le cœur", qu’on trouvera au mieux d’un certain charme opératique, au pire d’une naïveté confondante (+/- l’avis de Lang des années plus tard), et peut-être pire encore, le reflet d’arrières-pensées politiques douteuses.
Ce n’est même pas le rêve social-démocrate comme je l’ai lu dans une des critiques un peu mitigée ; le rêve social-démocrate se serait de tirer le niveau de vie de la classe ouvrière vers le haut, hors à la fin on ne peut pas dire que leur condition est hyper-améliorée…
Enfin je m’en tiens là, cette critique est sur le Metropolis de Rintarô, qui lui a l’avantage d’être expurgé de cette fin et du message qui va avec. Et j’ai quand même mis une bonne note au film de Fritz Lang.
Mais ce Metropolis, c’est d’abord un choc esthétique. Que c’est beau… entre les décors steampunk à souhait et le graphisme « old school » sublimé par les couleurs et l’animation, on se régale. De la pure poésie visuelle comme dans cette fameuse image où un oiseau se pose sur l’épaule de Tima, la faisant paraître un ange.
Je ne suis pas forcément fan du graphisme de Tezuka, voire ça me ferait plutôt fuir (je vais me faire plein d’amis, entre les fans de Tezuka et de Fritz Lang ^^), mais là ça fait mieux que passer comme une lettre à la poste. J’aime tout particulièrement les gros plans sur Rock, qui font bien ressortir sa jalousie et sa colère. De manière générale, ce style, bien que cartoonesque, fait vraiment bien passer les émotions.
Le scénario est rondement mené. Il y a de nombreuses péripéties qui peuvent rendre le film un peu dur à digérer au premier visionnage, mais cela rend le film vivant et plus « chaud » qu’un techno-thriller. Il y a par exemple de belles trouvailles comme ces robots qui s’assemblent pour former le pompier. Même sur ce plan, le film n’a rien à envier aux Miyazaki, et apparaît du même coup moins succession de tropes que ses petits cousins.
La politique n’est pas absente même si comme dit plus haut Tezuka n’a pas repris la fin, ni les mêmes schémas que ceux du muet. C’est même assez complexe avec des manipulations entre le Duc Rouge, le Président et les révolutionnaires. Cela se finira plus mal pour ces derniers, mais cette manipulation fera davantage réfléchir le spectateur.
Il y a bien sûr la réflexion Asimovienne/Dickienne sur le pouvoir que nous accordons aux machines et sur leur identité, mais le film porte moins là-dessus que ce que la jaquette peut le laisser croire. Le robot, dans sa solitude incommunicable, nous renvoie « juste » aux folies de l’humanité et à son désir insatiable de domination. Ce n’est pas le vertige ontologique d’un Ghost in the Shell (sans doute le film qui a poussé la question le plus loin), mais c’est déjà très fort.
Ayant regardé ce coup-ci en VF, je l’ai trouvée assez bonne même si un peu en deçà de celles des Miyazaki. En revanche je déplore la transcription de Marduk en Maldiouk. Visiblement il y a quelqu’un qui n’a pas perçu la référence mythologique, qui est pourtant une originalité du film. Mard(o)uk c’est le dieu qui crée le monde en tuant le dragon Tiamat, qui règne et est vénéré sur les ziggourat... on comprend mieux les ambitions du Duc Rouge à la lueur de ces références.
Bon sinon, le seul petit défaut que je vois à ce film, c’est sa fin qui n’est pas très surprenante quand on connaît un peu les animes. La ************ de la ************, on l’attend un peu…
Ca reste cependant à mon goût largement compensé par l’esthétique très réussie du film.