Ce film peut rendre perplexe. Les réactions qu'il a provoquées à sa sortie contrastent d'ailleurs avec la place particulière qu'il occupe aujourd'hui dans le coeur des fans de Cassavetes. Il y a de quoi, tant "Meurtre d'un bookmaker chinois" est singulier à tous points de vue. Libre de toute appartenance à un quelconque genre en dépit des apparences, de tout cloisonnement scénaristique, de tout jugement moral vis-à-vis de ses personnages.
Pourtant, il y a quelque chose qui cloche. Le film m'a paumé. Ou je me suis paumé tout seul, allez savoir, toujours est-il qu'après la fuite de Cosmo consécutivement au meurtre mentionné dans le titre, j'ai complètement décroché. La faute à un vide psychologique entre le Cosmo taciturne et désemparé qui se retrouve malgré lui à s'enfoncer dans la spirale du meurtre pour éponger ses dettes, et le Cosmo qui subitement prend le contrôle de la situation avec un calme presque olympien avant de tirer sa révérence. Cela relève pour moi d'une rupture brutale qui scinde le film et nous éloigne définitivement du personnage de Cosmo.
Malgré le charcutage opéré sur la version d'origine, Cassavetes ne parvient pas non plus à maîtriser son rythme, accentuant encore plus cette impression d'avoir affaire à un film hétérogène. Et par là même, donnant la sensation de ne plus vraiment savoir où le réalisateur veut en venir.
Il y a une raison simple à cela, c'est que '"Meurtre d'un bookmaker chinois" n'est pas une oeuvre à visionner cul sec. Rien d'étonnant à ce que le film soit béni avant tout par des cinéphiles connaisseurs de la filmo de Cassavetes, de son histoire, de ses déboires créatifs et de ses conflits de production. Si vous ne savez pas qui est Cassavetes, ou si comme moi vous n'êtes familiers qu'avec quelques bribes de son oeuvre, vous allez complètement passer à côté de la dimension autobiographique de Cosmo Vitelli.
Pas sûr cela dit qu'avec ces quelques données en tête, le revisionnage soit plus concluant. Mis à part ces quelque vingt minutes de folie jusqu'au meurtre, le film atteint rarement l'intensité des deux seuls autres Cassavetes que j'ai eu l'occasion de voir pour l'instant ("Shadows" et "Minnie et Moskowitz").