Ce remake du Crime était presque parfait d'Hitchcock n'a ni l'efficacité, ni l'implacable habileté de son modèle, il est pratiquement impossible de faire mieux que l'original. A partir d'un schéma presque identique sur le classique triangle amoureux (épouse, mari, amant), le réalisateur ne fait que souligner le manque d'imagination de sa démarche, il ne change que quelques détails (ici, le mari demande à l'amant de tuer sa femme, alors que chez Hitchcock, il avait recours à un tiers) qu'il modernise pour séduire un public jeune qui n'a pas vu l'original. Mais il relègue les règles du Maître aux oubliettes notamment avec l'unité de lieu, le découpage technique implacable, et il enlève aux personnages une part de leur ambiguïté et de leur mystère en ne les laissant jamais exister en dehors des clichés.
Et quand on pense que Hitchcock lui-même disait à François Truffaut, sans fausse modestie, qu'il considérait le Crime était presque parfait comme un film mineur dans sa filmo, on en vient à se demander ce qu'il aurait pu penser s'il pouvait voir ce polar à demi raté. Certes, le film peut comme je l'ai dit, attirer un public plus jeune n'ayant pas de références cinématographiques, et il n'est pas aussi honteux que le Psycho de Gus Van Sant, d'autant plus que Michael Douglas et David Suchet (trop sous-employé) tirent leur épingle du jeu grâce à leur charisme et leur expérience, mais le machiavélisme d'Hitchcock est ici traité sans âme, comme un banal thriller, avec un suspense ronronnant juste appuyé par ce qu'il faut de scènes choc, il n'y a aucune ambition dans la mise en scène, et du coup on peut penser que Andrew Davis a perdu sa maîtrise vue sur le Fugitif, et il s'avère être plus efficace dans le domaine de l'action lorsqu'il bosse avec Steven Seagal (Nico et Piège en haute mer) ou Chuck Norris (Sale temps pour un flic).