"Smokin' Aces" ou "Mi$e à prix" ?? Pour une fois que la traduction française d'un titre américain par nos chers distributeurs a de la gueule...Au choix donc.
"Smokin' Aces" est un "oFnEi" (objet Filmique non Entièrement...identifiable ??) signé par le très talentueux - et un peu trop rare - Joe Carnahan. Il faut savoir que le monsieur, auteur plus récemment du très bon survival "Le territoire des loups" (après s'être certes quelque peu "égaré" avec son adaptation très dispensable - pour rester poli, mais ça arrive même aux meilleurs - de la série "l'Agence tous risques"), avait commencé sa carrière en trombe, en signant le polar cru et choc "Narc" en guise de premier long, ce dernier ayant été adoubé par Monsieur William Friedkin himself, et quelque part ça en impose, mais revenons à nos moutons.
"Smokin' Aces", au-delà d'être l'exact opposé de "Narc" (sombre et dramatique) de par son fun hautement contagieux, est une bombe hautement jouissive comme on en voit trop rarement, surtout maintenant que le grand Tony Scott - rip - n'est plus parmi nous.
Carnahan rends hommage à Scott donc, mais si on pense aussi à l'Oliver Stone de "Tueurs-Nés" et plus récemment "Savages", on peut aussi avoir une pensée pour Tarantino, dont le style aurait ici été dynamité puis digéré, et enfin régurgité, tout en étant débarrassé des si fâcheuses scories inondant régulièrement les oeuvres (??) du meilleur réalisateur du monde. Si, si, je vous confirme que c'est ce que Quentin pense de lui-même. Sacré Quentin...
"Smokin' Aces" est un polar complètement barré. Âmes sensibles s'abstenir.
Mais Carnahan n'en oublie pas moins de prendre grand soin à traiter son matériaux avec le plus grand respect, au premier degré (are you listening Quentin ?), que ce soit envers son histoire (du déjà-vu certes, mais bourré de rebondissements, dont un incroyable twist final...) ou ses personnages.
Et il est impressionnant, vu leur nombre, de voir avec quelle fluidité et quelle maestria Carnahan les fait constamment interagir, sans jamais perdre le spectateurs en cours de route, Et croyez-moi, entre les fédéraux, la bande à Buddy Israel, et la meute de tueurs à gages - certains étant vraiment fumés du bocal, c'est le moins que l'on puisse dire - lancés à fonds la caisse direction le Nevada, c'est un sacré bordel, mais diablement bien orchestré, donc.
Ce genre de polar "allumé" ne peut pas être confié à n'importe qui, mais heureusement Joe Carnahan n'est pas Guy Ritchie. Ici le bordel ambiant est hautement jouissif, car la maestria du réalisateur n'a d'égal que l'énergie et l'inventivité dont il fait preuve à quasiment chaque plans, sur un rythme effréné qui maintient le spectateur en halène de bout en bout, ce dernier prenant certes un pieds pas possible, mais devant néanmoins prendre soin de suivre attentivement l'histoire et l'évolution des très nombreux personnages qui parsèment le film.
Carnahan réussi le tour de force de faire cohabiter le polar d'action barré et la comédie - on rit très souvent - sans jamais verser dans le lourdingue ou le débile car outre son talent de conteur et de metteur en scène, ce dernier apporte un soin méticuleux à la caractérisation de ses personnages, qu'il affectionne au plus haut point, même lorsqu'il s'agit de sadiques hautement "barrés", d'irrécupérables ordures de la pire espèce.
Répliques cultes et scènes hautement improbables se succèdent à un rythme frénétique, les scènes d'actions sont montées de façon hallucinante, les couleurs pétaradantes du film, sa mise en scène nerveuse mais jamais hystérique, et ses cadrages serrés (pour ancrer au maximum l'action dans le présent et coller au maximums à cette incroyable faune de personnages) renforcent l'impression de feuilleter les pages d'une gigantesque BD pour adultes.
Il faut aussi ajouter que l'incroyable casting est aussi pour beaucoup dans la réussite du film : Andy Garcia, Ray Liotta, Ryan Reynolds, Alicia Keys, Jeremy Piven, Chris Pine hilarant (avec ses deux frères) en tueur à gage facho, Ben Affleck (dans son rôle le plus court, ah ah!!), Jason Bateman et on en oublie, son tous excellents et entièrement voués à la cause du trip de Carnahan.
Quand au magnifique score de Clint Mansell, il donne à lui seul au film une classe supérieure, notamment lors de ses moments plus émotionnels et dramatiques, le point culminant étant atteint lors de sa sublime conclusion.
"Smokin' Aces" mérite amplement son statut de film culte, et avec le temps est de plus en plus reconnu à sa juste valeur. "Smokin' Aces", c'est un magnifique hommage à Tony Scott de par la façon dont c'est filmé. C'est du Tarantino qui aurait oublié de péter plus haut que son cul pour donner tout le plaisir qui lui est dû au spectateur, c'est du Guy Ritchie à qui on aurait greffé un cerveau, c'est du Oliver Stone période "Tueurs-Nés" sans l'ironie et sans l'insupportable parabole politico-sociale.
C'est un monumental bordel filmé avec amour et dans les règles de l'art.
L'exemple parfait du polar modernisé à l'extrême, mais qui aura su garder un respect certain envers les classiques du genre. Une bombe.