Chez Michael Mann, l’amour naît d’une étincelle. Un regard intercepté, une alchimie instinctive puis l’aimant fait déjà effet sans que les personnages ne le sachent. Dans beaucoup de ses films, le cinéaste nous dévoile un univers de gangsters au destin funeste et essaye de déchiffrer la place de l’amour dans tout ce capharnaüm mafieux. Sonny et Isabella en sont l’exemple parfait dans Miami Vice.


Lui est un agent fédéral infiltré et elle, une experte comptable aux allures de femme fatale qui travaille pour les cartels. Mais dès leur première rencontre, sans dire un mot, lui dans la lumière, elle dans la pénombre, le coup de foudre a lieu et leur beauté respective les fait flancher. Une attraction physique qui trotte dans la tête de Sonny, un nouveau but à atteindre qui catalyse toutes ses pensées alors qu’il sait très bien qu’il ne doit pas dévoiler sa couverture, sinon c’est toute la mission qui capotera. On l’a vu dans nombreuses de ses œuvres, mais le sentiment amoureux chez Mann prend la tangente de sa mise en scène et arrive à dénaturer voire égratigner cet univers viriliste. C’est un peu la porte de sortie mais aussi la kryptonite de ces hommes vivant dans un monde qui les consume petit à petit. Tout est une question de fuite, tout est une question de mise en alerte, tout est une question d’une certaine peur des conséquences futures ou de cet ivresse du danger.


Avec ces personnages en perpétuels mouvements, ces regards fuyants, cette mise en scène dynamique, ces corps continuellement sous tension, une action qui ne laisse pas de répit à la discussion, l’amour entre Sonny et Isabella se doit d’être invisible aux yeux des autres mais surtout extrêmement organique entre les deux. Il y a quelque chose d’indicible ou d’abstrait dans l’attirance forte entre les deux. L’amour devient un lieu où rien ne peut entrer, une bulle de quarantaine à l’image de cette sublime scène de offshore sur fond de Moby. Un lâcher-prise, une carapace qui s’étiole, une vitesse à son paroxysme et une confiance qui s’installe sans crier gare. C’est le monde selon Mann qui change alors de reflets, où enfin l’individualité prend corps avec ses émotions. Les codes du film noir et du grand banditisme s’écartent pour faire éclore un espace purement « mannien ».


Entre deux coups de feu, entre deux négociations musclées où Sonny et son collègue Rico jouent avec le feu pour ne pas se faire démasquer, les deux amants se retrouvent dans une chambre d’hôtel, dans un bar pour danser ou à l’arrière d’une voiture pour s’étreindre avec passion. Mais le compte à rebours a déjà commencé : il doit tout faire pour les arrêter et elle devra tout faire pour s’échapper. Il est flic, elle est hors-la-loi. Cette marginalité accentue le charme de cette histoire, qui ressert l’aspect tragique de cet arc narratif. La porte de sortie se referme à grands pas devant eux. Comme cela a pu être le cas dans Heat, Collateral ou même Public Enemies, l’amour n’empêche pas manipulation et domination, dans le sens où l’abandon pour l’autre n’est jamais total car l’univers violent fait foi. L’instinct de survie prédomine souvent sur le reste et l’affection ne se termine jamais sans laisser des cicatrices. L’être vivant est un animal libre, indomptable et difficilement déchiffrable.


C’est aussi ça toute la magie du cinéma de Michael Mann : cette absence de nuance dans certains moments, cette volonté de ne pas sur-expliquer ce qui se trame dans l’esprit de chacun en nous faisant visualiser ce déclic suranné, car la vie se doit d’être vécue à l’instant T, l’amour est comme un moyen de survie, une bouffée d’oxygène, sans doute la quête première de toute personne. Trouver son alter ego, celui qui derrière le costume de mafieux ou de flic, arrive à toucher du doigt ce que les autres ne voient pas, s’échapper pour rêver et ne plus revenir sur ses pas. Malgré un passé qui revient brouiller les pistes et tuer le démon qui nous anime.


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Velvetman
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le 17 févr. 2021

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