Michael Kohlhass, un film radical.
Arnaud des Pallières a fait de Michael Kohlhass un film radical en éloignant toute simplicité narrative ou esthétique.
Tout d'abord, la reconstitution historique est des plus sobres et c'est appréciable : costumes discrets, décors réels non dissimulés et la recherche de la justesse historique n'est apparement pas le premier souci de AdP. Ainsi la majorité des scènes se déroulent dans des décors naturels (les Cévennes et le Vercors) superbement filmés et en parfait accord avec l'ambiance du film : froids, dénudés, balayés par les vents...
Les choix de mise en scène esthétique sont radicaux, souvent en sous-exposition ou a contre jour, donnants à l'ensemble du film un aspect sombre sans que cela ne soit exagéré. AdP, fait le choix de refuser la mise en scène spectaculaire a laquelle ont droit les scènes de combats dans la plupart des films d'époque pour les rendre ainsi silencieux, lent mais vifs, ultraviolents et meurtriers.
Le acteurs remplissent brillament leur rôles et enrichissent le film de part la diversité de leurs jeux. Mads Mikkelsen est irréprochable, il est Michael Kohlhass. La jeune Mélusine Mayance est impressionante tant elle transpire le courage, la détermination et l'amertume qui sied à son rôle (la fille de MK). Bruno Ganz, quand à lui, est à l'aise dans le jeu (et manifestement avec le français) ce qui sied des très bien au personnage qu'il incarne (gouverneur au service de la princesse), à la fois jovial et aimant mais fidèle à son devoir. Enfin, Denis Lavant est le plus atypique, interprêtant de façon théâtrale et dramatique le rôle d'un pasteur et homme de lettre théologien venu résonner un MK qui ne démord pas de sa quête égoiste.
Mais c'est avant tout la façon dont est traîtée l'histoire (je n'ai pas lu le livre et il en est peut être de même dans l'oeuvre de Heinrich Von Kleist) qui est radicalement à l'opposé de ce que le cinéma a pour habitude de faire. L'histoire, les personnages et leurs relations : tout est démystifié.
Michael Kohlhaas raconte en fait l'histoire d'un homme se lancant dans une quête pour rétablir son honneur et se faire justice par tout les moyens au mépris de son entourage, y compris de ceux qu'il aime et ceux-ci en payeront le prix. Cet égoisme est cependant mis en avant d'une manière terriblement et même cruellement humaine et c'est sur ce point que Arnaud des Pallières frappe très fort. Rarement j'avais vu un héros (chef de guerre rebelle) aussi ridiculement humain, s'obstinant dans des choix égoistes car voués à l'échec et au mépris total de ceux qui l'accompagnent. Tout ceci culmine parfaitement lorsque MK prend finalement la décision de rendre les armes et enjoint ses compagnons d'armes de faire de même. Ces derniers semblent hésitants, en effet, obsédé par sa quête personnelle, il a, dans son esprit, totalement éclipsé ce pour quoi ces hommes se sont joint à lui : le désir brûlant de combattre l'injustice sociale dont il sont eux-mêmes victimes. C'est cette contradiction, les erreurs de MK et les conséquences dramatiques qui en découlent qui font la grande richesse de l'histoire que nous raconte Arnaud des Pallières. Ce dernier réussi d'ailleurs parfaitement à mettre la mise en scène au service de l'histoire. AdP ne s'y est pas trompé, il sait ce qu'est le cinéma.
Alors pourquoi seulement 9/10 ?
Dans son dernier quart, le film s'essoufle légerement et donne l'impression que le réalisateur ne sait plus vraiment vers quoi tendre, submergé voire intimidé par le côté extrèmement dramatique de la conclusion. Il caffouille, comme si, tel son héros, il sentait la fin approcher et ne savait que faire du temps restant.