Mickey 17
6.4
Mickey 17

Film de Bong Joon-Ho (2025)

Voilà donc le dernier Bong Joon Ho qui revient donc avec ce plus ou moins super attendu Mickey 17. Je dis plus ou moins parce que, perso, j’ai pas oublié les calvaires Snowpiercer et Okja, et même si Parasites était passé par là, j’étais pas non plus à trépigner day one. Voilà, bon, vous le savez Mickey 17 est donc un film de SF fonctionnant autour du concept du mec qui meurt jamais et qui se reboot constamment, sous-genre d’un sous-genre de SF tordue. Ici l’idée est que le Mickey en question est un type destiné à crever pour les besoins multiples et variés de l’équipage d’un vaisseau partant coloniser une planète lointaine. Et c’est peu de dire que le résultat est pas jojo !

Formellement, d’abord, c’est un peu la douche froide de caca, photo, direction artistique, tout est au mieux sans intérêt au pire sans grand intérêt et parfois même sans intérêt du tout. On est dans du déjà vu gris-bleu et tout ça a été torché sans aucune inventivité. C’est même pas raté vu qu’ils ne tentent rien. Non, ça se contente juste d’un truc visuellement passe-partout relevé comme de l’eau plate et épicé comme un morceau de pastèque pas mûr.

Mais la pauvreté de la DA n’est pas forcément le truc plus emmerdant étant donné qu’ici le spectateur est surtout saoulé direct par cette narration qui patauge as fuck et qui doit passer par une voix off qui te piplette l’essentiel de ce qui se passe à l’écran. Alors que ce qui se passe à l’écran, bon… c’est pas non plus turbojojo. Alors oui, cette façon tord-sucette de raconter l’histoire s’interrompt bien à un moment, lorsque le film bifurque vers une intrigue d’attaque extra-terrestre un peu gênante et, finalement, tout aussi laborieuse. Car le problème de ce genre de film et de ce genre de concept super ludique, faut savoir qu’en faire. Dans Edge of Tomorrow avec Tom Cruise, c’était une façon de jouer avec la forme du ciné d’action starshiptroopeuresque. Ça n’allait pas bien loin et c’était un peu couillon, mais c’était vaguement rigolo. Évidemment, lorsque le film de Liman abandonnait le concept pour rebiquer sur un film d’action classique dans ses 20 dernières minutes, le bouzin sombrait corps et bien. Ici, c’est pas vraiment fun, pas vraiment passionnant non plus et ça ne va pas très loin mais lorsqu’on passe à autre chose, encore une fois, le film sombre. L’avantage, peut-être, c’est qu’il sombre de pas bien haut, parce que la dimension fun du procédé n’est jamais allé plus loin qu’une petite succession de gags éventés et de plaisanteries poussives.

Tournant le dos à cette succession de saynètes « game over », le film se concentre alors sur deux itérations du personnages et se tourne avec une véhémence en mousse vers une charge caricaturale assez sinistre, genre Don’t look up mais encore moins subtil et encore plus poussif. Alors c’est pas tant que les personnages visés par cette critique m’attirent une quelconque sympathie, juste que verser dans la caricature ne dispense pas pour autant de toute réflexion. Ça tourne donc rapidement en rond et c’est donc vite chiant, parce que ce genre d’approche c’était marrant dans les Guignols de l’Info, dans des sketchs de 5 minutes, en 1992. Aujourd’hui, je ne peux pas m’empêcher de trouver ça un peu hypocrite, facile et surtout fatiguant. OK, Musk ou Bezos ou je sais pas quel milliardaire qui se comporte comme s’il sortait d’un Austin Powers sont probablement encore pires que les persos de Mickey 17, mais c’est pas une raison pour être aussi je m’en foutististe. La dimension absolument caricaturale et délirante des modèles n’implique pas un traitement sans aucune rigueur.

À part coller un dentier ridicule et demander à Ruffalo qu’il soit le plus casse bonbon possible, Bong Joon Ho semble surtout n’avoir strictement rien à dire et rien à faire de son personnage et/ou du système qu’il représente. C’est d’une pauvreté crasse qui ne dépasse pas toute l’ampleur intellectuel d’un meme publié sur twitter. Je filerais quand même un bon point pour avoir évité de filer le rôle à Mark Rylance, mais c’est tout, j’irai pas plus loin.

Et si « l’antagoniste » est traité par dessus la jambe, le reste des personnages est à l’avenant.

Une indigence intellectuelle qui pense que s’accrocher aux branches d’un populisme nigaud fera illusion. Par exemple les scientifiques sont forcément ridicules et provoquent des gags poussifs en intervenant à chaque fois que le réal/scénariste s’est enlisé dans son histoire filant pourtant au ras des pâquerettes. Ainsi, lorsque les bestioles indigènes interviennent et qu’il faudrait que les deux Mickey puissent interagir avec elles, zou, inventons un « traducteur » à la con pour que tout le monde puisse discuter. Ça va, « c’est de la SF », alors on s’en fout...

Tout aussi fonctionnelles sont les intrigues parallèles qui ne servent qu’à faire avancer un peu l’histoire, comme le pote filou, un modèle de foutage de gueule, ou la copine, tout aussi osef au final. Pire, cette idée où la similitude des clones s’oppose aux légères variations psychologique était plutôt chouette, mais au final elle ne mène nulle part. Pire, ça se résume à une péripétie pour, encore une fois, gagner 10 minutes de dramaturgie.

Et puis oui, effectivement, les bestioles sont choupies. Mais justement, ici encore c’est la facilité qui semble avoir guidé la création de ces créatures qui ont été directement pensées comme des gros parasites hyper mignon, ambiance « eh midjourney, fais moi un tardigrade géant trop cute ». Le film tente vaguement de te provoquer un peu d’empathie pour ces créatures cheulou par son intrigue toute pétée alors que le design te l’impose avec la finesse d’un 30 tonnes qu’on te lance en pleine gueule. Ou alors c’est le réal qui doutant de sa capacité à raconter son histoire a demandé aux graphistes de bétonner dernière lui ? Qu’est ce que peut engendrer ce renoncement constant, à part un truc d’une médiocrité crasse ?

Du début à la fin on doit subir les coups de coudes incessants de l’intrigue comme on subirait un type super relou assis la rangée derrière et qui rirait trop fort en commentant le film et en te jetant ses popcorns de merde à la gueule, bah t’as juste envie de te lever et de lui refiler un gros coup de patte. Sauf que le reulou dans la salle, là, ben c’est le film.

Alors tout ça durerait 90 minutes, ça serait un spectacle de kermesse et ça serait bricolé avec du papier crépon, je sais pas, j’aurais peut-être un peu d’indulgence, mais là non. C’est pas possible. C’est beaucoup trop long et beaucoup trop dispendieux pour un film où tu commences à te faire chier deux heures avant la fin qui t’achève par son conformisme déprimant.

Et puis, j’ai aussi un souci avec ce genre de récit bâclé pondu par des pisse-copie qui ne réfléchissent pas deux minutes à ce qu’impliquent les idées qui soutiennent leurs histoires. J’avais eu exactement le même problème avec Mars Express, même si le film avait d’autres choses à offrir par ailleurs. Cette idée de cloner un type et de l’imprimer a l’identique avec sa mémoire sauvegardée. Pourquoi pas. C’est un film de SF alors allons-y. Sauf que ça veut dire que l’humanité a accès à l’immortalité. Et ça, ça implique un paquet de trucs que le film ignore tout bonnement. Et garder cette technologie absolument révolutionnaire pour juste des types qui doivent tester si la sauce est bonne ou si y’a pas un virus dans l’air, c’est complètement con. Déjà pourquoi ne pas imprimer un « faux » type qui ne sortirait de nulle part ? Et pourquoi ne pas coloniser des planètes en imprimant les gens en arrivant sur place ? Pourquoi la principale question que provoque cette histoire – ça fait quoi de mourir ? - n’a aucun sens étant donné que la conscience de ce type n’a été sauvegardé, à chaque fois, qu’avant sa mort ?

Et puis, ces restrictions à la con : « Nan mais c’est que dans l’espace et que un type à la fois », ça sent tellement le truc rajouté in extremis pour écoper l’eau qui s’engouffre de toute part dans un script étanche comme un gruyère… Pourquoi un type comme ce milliardaire despote suivrait ces restrictions ? Pourquoi ne se clonerait-il pas ? Contourner la loi c’est leur boulot bordel. Visiblement Boon Jong Ho a réalisé que son histoire ne tenait pas deux minutes et a décidé d’incorporer sa tardive prise de conscience dans une scène de rêve qu’il est tentant d’imaginer comme une tentative un peu meta d’exorciser l’angoisse du créateur face à la merde qu’il vient de pondre.

Bref, ni fait, ni à faire.

Sinon Pattison est impeccable comme d’habitude. Aussi pénible soit la voix off, il l’interprète brillamment et il joue chaque Mickey avec un enthousiasme évident. Dommage de voir autant de talent barboter dans une soupe pareille.

C'est NUL !

MelvinZed
3
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le 18 avr. 2025

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Melvin Zed

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