On dit que la première fois n’est jamais la meilleure, et ça a totalement été mon cas dans ma relation avec Midnight Express. Le premier visionnage a été si difficile à vivre que je le qualifiais de « véritable épreuve », si bien que je n’avais pas du tout apprécié le film. Avec le temps, mes souvenirs se sont bonifiés, et je me suis enfin décidé à le revoir, afin d’apprécier ce film à sa juste valeur.
Alan Parker est un réalisateur qui sait déranger, pas tant par des images fortes que par sa façon de filmer. Il y a dans sa caméra quelque chose de confus et d’aliénant qui ne ménage pas le spectateur, et j’ai ressenti un malaise similaire devant Pink Floyd : The Wall. Peut-être que c’est sa façon de filmer les individus au milieu d’une masse - que ce soit à l’asile, en prison ou à l’aéroport – de manière immersive et indiscrète qui est perturbante.
Bien sûr, l’histoire en elle-même est déjà troublante, d’autant plus qu’elle privilégie la torture psychologique aux violences physiques. Il y a des scènes violentes, mais le plus difficile à avaler reste cette alternance d’espoirs et de désespoir.
On pense d’abord qu’il va s’en sortir rapidement, c’est ce qui est promis par son avocat. Lorsqu’on apprend qu’il en a pour 4 ans, ça fait mal, d’autant plus que l’avocat considère cela comme une victoire. Puis 30 ans, l’évasion se fait désirer, et la haine est vraiment grandissante, en témoigne son puissant monologue. Tous les espoirs s’estompent avec son arrivée à l’asile, et ces nouvelles conditions de vie abominables…
Tout cela nous pousse à se mettre à la place de notre personnage principal, qui souffre de maintes injustices et abus. La barrière de la langue, c’est-à-dire le turc non sous-titré, alimente notre impuissance implacable. Et l’acteur principal, Brad Davis, à la fois vulnérable et bouillonnant, livre une prestation riche et intense. Les personnages plus secondaires ont souvent des rôles extrapolés, ce qui les rend d’autant plus perturbants lorsqu’ils doivent incarner la folie ou l’autorité inflexible.
Interdit de diffusion en Turquie, Midnight Express n’est pas un film indulgent avec ce qu’il critique, autant qu’avec son spectateur. Mais par son statut de biopic, il dépeint une vérité qu’il expose non sans ardeur et âpreté. Il s'agit de plus que d'un simple film d'évasion, comme Le Trou ou même Papillon, dénonciateur mais moins perturbant. Difficile à digérer, mais une merveille de réalisation.