Le grand marathon de Kwon Oh-Seung a tout pour plaire, car d’entrée de jeu, il nous ramène aux suspenses de Na Hong-jin (The Chaser, The Murderer, The Strangers), ce qui n’est pas rien sachant qu’il s’agit d’un premier long-métrage. Le cinéaste pousse donc encore plus loin ses références, qu’il cite au détour de slashers remarquables, mais il ne parvient pas assez à affûter sa lame, afin qu’elle tranche nette et sans bavure. Tout comme l’outillage du psychopathe tueur en série, qui s’en prend aux femmes dans les ténèbres de la nuit, tous les moyens qu’il met en place finissent par rouiller avec le temps qui passe. Et en plus de tuer tout suspense, passé un certain temps, il faudra s’attendre à découvrir des maladresses, qui s’empilent et qui nous perdent sur le fameux combat des victimes, face à une menace à visage découvert.


Cependant, on ne peut lui enlever cette sincérité et un apport d’originalité rafraîchissant, notamment avec sa final girl sourde et muette. Et bien que son récit trébuche trop souvent et s’emmêle dans des courses-poursuites qui n’en finissent plus, le rythme de la tension de la première partie est un délice d’adrénaline, ainsi qu’une démonstration de ce qui nous attend dans les ruelles de Séoul. Il y aura toujours le travail du hors-champ, qui s’accorde avec la prudence du timing horrifique, mais cela n’aurait pas pu se faire sans la générosité de comédiens qui baignent dans l’excès. Démuni de l’ouïe et de la parole, la jeune Kyung-mi (Jin Ki-Joo) et sa mère croisent la route d’un jeune homme (Wi Ha-Joon), aussi aimable que cruel. C’est alors que la partie de chasse peut commencer, où les proies tentent évidemment de prendre de l’avance sur un tueur déterminé, habile avec sa garde-robe et surtout avec les mots. Nous avons donc une équipe complémentaire, qui évolue à l’ombre d’une société qui ne les remarque pas, qui ne les comprend pas et qui ne les aident pas.


Outre la caractérisation passablement caricaturale du tueur aux yeux doux et pourtant imprévisible, Oh-Seung accompagne ses héroïnes, en exploitant leur soi-disant handicap, qui ne les diminue pas pour autant dans ce qu’elles traversent. C’est plutôt dans le but de démanteler le discours machiste qui s’en dégage, car les hommes ne sont ni lucides, ni à l’écoute. C’est sur le coup des pulsions qu’ils témoignent de leur grande vulnérabilité, permettant ainsi de prolonger un genre de chasse à la sorcière, jusqu’au bout de la nuit. Ajoutons à cela un manque d’honneur et de courage, nous avons là une belle brochette à mettre sur le barbecue social et culturel. L’enjeu est donc double, pour ces femmes, victimes de la naïveté de leur entourage. Ce qui ne veut pas dire qu’on les sacraliser de la meilleure des manières pour autant. Lors d’un échange entre Kyung-mi et le tueur, on pourra y voir toute la thématique du film, quitte à céder quelques rires nerveux. Ce choix ne semble pas irraisonnable, alors que toute l’intrigue ne cesse de muter, en termes de ton, de violence et de moral.


De ce fait, « Midnight Silence » déborde d’inventivité, notamment dans l’utilisation du son et de la lumière. Le jeu devient alors suffisamment sensoriel pour qu’on se laisse guider par le même champ de vision, limité par des héros émotifs et confus. Le danger est à chaque coin de rue, qu’elle soit éclairée ou non. Quant à a narration, elle gaspille énormément son élan, mais aura au moins le mérite de mettre à profit sa dernière cartouche. Et si nous sommes loin de la performance des prédécesseurs, il y a de quoi être séduit par son rythme effréné et le cardio vigoureux des personnages.

Cinememories
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le 12 avr. 2022

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