Duplicity lights
Il faut un certain temps pour mettre le doigt sur l’emprise générée par Midnight Special. Parce qu’il est accidenté, parce qu’il n’est pas exempt de défauts, le trajet qu’il propose nous embarque...
le 17 mars 2016
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Le scénario de Midnight Special est truffé d'incohérences et d'énormités. Heureusement un film ne se résume pas à son scénario, et la patte de Jeff Nichols arrive tout de même à apparaitre dans ce film de SF à gros budget.
Au final je suis passé complètement à côté de la trame SF et de ces nombreux défauts pour me permettre d'être touché par ce que Jeff Nichols montre le mieux : les liens familiaux, la peur de la perte et du détachement... Ce qui lie Alton et Roy, cette petite lueur indescriptible qu'on pourrait nommer amour, ou reconnaissance dans l'autre malgré toutes les différences, transparait bien ici. La séparation semble inévitable, le père et le fils semblent vivre dans deux mondes qui ne peuvent pas cohabiter, et ce dès la première scène : Alton est protégé sous son drap dans son monde bien à lui, et Roy fera tout son possible pour l'aider à traverser au mieux ce qui semblent être les derniers moments qu'il passera dans le monde humain. Dès la première scène nous savons que le film ne peut se finir autrement, et nul besoin de comprendre les origines inexplicables de ce qui arrive à cet enfant.
Il ne peut se déplacer que de nuit, ses émotions créent des cataclysmes, et on n'en saura pas plus. Toutes les révélations qu'il fera à sa famille, à l'analyste seront qu'il vient d'un autre monde. Alors à quoi bon essayer de comprendre, d'interpréter à échelle humaine ce qui ne l'est pas, ce qui résulte d'une autre logique, d'un autre langage ? À quoi bon le réduire à une arme ou un Sauveur, le rendre pratique pour l'Homme au lieu de le considérer tel qu'il est : un individu à la fois humain et inhumain ?
Seuls ses parents et leur amour peuvent appréhender une relation quelconque avec cet enfant. Un amour vidé de tout désir de possession, désir difficilement appréhendable. Un regard suffit à traduire ce sentiment paradoxal de perte et de libération lorsqu'on voit son enfant partir, qu'on sait qu'on n'a plus aucune emprise sur lui, que ce serait vain et nocif. Et cet amour infini, impossible à traduire par des mots, les expressions de Michael Shannon et de Kirsten Dunst parviennent à le faire exister. Alors ils vont tout sacrifier pour leur enfant, au même titre que Lucas et Paul Sevier vont sacrifier leurs idéaux construits par ce qu'ils ont appris jusqu'à présent pour se consacrer à cette quête plus essentielle qui est d'aider Alton à s'épanouir, au lieu d'en faire l'objet d'êtres intéressés par ce qu'il pourrait produire et offrir à l'espèce humaine (de la fausse idôlatrie inspirationnelle des membres du Ranch à l'apport en recherches scientifiques, avec le risque d'en faire une arme politique).
Alors tout le film va se baser sur cette fuite, truffée d'obstacles qui tentent de le retenir sur Terre, pour permettre à ce qui n'est pas terrestre d'aller là où est sa place : hors de l'entendement humain et de toutes ses dérives.
Et ce malgré cette lueur bleue qui nous lie indéniablement à Alton.
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Créée
le 6 avr. 2016
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