Milano Calibro 9 est le premier volet de la « trilogie du milieu » réalisée par Fernando di Leo. Trilogie qui appartient au genre poliziottesco aussi appelé néo-polar italien ou polar-spaghettis, trois films qui ne font pas dans la dentelle…
Ugo, un gangster qui travaillait pour « l’americano », sort de prison au bout de 3 ans pour bonne conduite. A sa sortie, il est attendu. Les 300 000 dollars qu’il devait remettre au patron ne sont jamais arrivés. « L’americano » le soupçonne d’avoir gardé l’argent pour lui et de s’être fait emprisonner en attendant de sortir et de profiter de l’argent. Il n’est pas seul à le penser, tous le pensent : Chino, un tueur à gages avec qui Ugo a travaillé, Nelly son ancienne maîtresse, et surtout le commissaire. Libre au spectateur de penser comme eux ou de croire en l’innocence d’Ugo car il ne possède aucun renseignement sur le sujet et n’attendez pas non plus que je vous en donne !
Ugo est un homme trapu, silencieux au regard d’acier et qui roule dans une voiture aussi trapue que lui ! Ses réponses sont concises :
- le commissaire : qui est le plus malin ? Toi, moi, ou bien l’Américain ?
- Ugo : je ne suis pas malin. Vous, pas du tout. L’américain … peut-être.
Il parle lentement gravement. Son visage est impassible. Ses émotions se traduisent par un simple plissement des yeux ou une lueur au fond du regard. Rien de semble le déstabiliser ou l’effrayer. Il répète inlassablement et avec concision qu’il n’a pas volé l’argent. Et il se dit décidé à découvrir qui est le voleur qui lui fait porter la responsabilité du vol.
Autour de ce personnage principal, les personnages secondaires sont nombreux et bien typés : Rocco est le bras droit de « l’americano », il passe à tabac Ugo dès sa sortie de prison pour lui faire avouer où il a caché l’argent. Il est tout l’inverse d’Ugo : un homme bavard, impulsif, nerveux, un volcan imprévisible ! Nicho, un homme du milieu, un homme droit mais avec qui on ne plaisante pas. Nelly, une belle plante qui en a dans la cervelle. Le commissaire : un homme méprisant pour les criminels mais aussi pour tous ceux qui lui déplaisent comme Mercury, son nouvel adjoint, avec ses pensées de gauche…
Milano Calibro 9 évoque le tournant d’une époque chez les mafieux italiens, celle où le code d’honneur n’est plus respecté, où la confiance n’est plus possible, où le chacun pour soi règne, où seul l’appât de l’argent motive les comportements.
La vraie mafia n’existe plus. Quand les dealers veulent placer leur argent, ils construisent des immeubles. Alors les gangs de l’immobilier les tuent. Où est la Mafia là-dedans ? La vraie Mafia est morte.
Un changement dans la mafia qu’un homme comme Buscetta dénoncera lui aussi, dans le contexte des années 80 (voir : Le traître), dans des termes assez similaires.
Milano Calibro 9 évoque également le fossé existant entre riches et pauvres, entre le Nord où vit l’élite et le Sud de l’Italie où vivent les pauvres, à travers les deux policiers : le commissaire de droite et son adjoint de gauche :
- Adjoint : « nous sommes entièrement au service des riches !
- Commissaire : « nous sommes censés faire respecter la loi, et elle est la même pour tous !
- Adjoint : « la même pour tous ? Avez-vous déjà passé un riche à tabac ? On leur donne toujours raison ! Et les travailleurs, les étudiants et les gens du Sud ont toujours tort.
Durant 1h30 le suspens plane : où est l’argent, qui l’a volé ? Le rythme est maîtrisé. Il y a quelques très bonnes scènes d’action (la fusillade finale), mais ce n’est pas l’aspect qui prédomine. Milano Calibro 9, décrit un milieu et s’attache à l’interaction des personnages. C’est un film sombre et tragique à l’humour rare dont la finale laisse un goût amer au cours duquel plusieurs personnages révèlent leurs vrais visages… Un thriller palpitant porté par un casting absolument impeccable, des personnages consistants. Pour ne rien gâcher : la BO est simplement sublime ! elle est interprétée par le groupe de rock italien Osanna et apporte une note d’intensité au déroulement de l’histoire.
La trilogie du milieu :
Premier volet : Milano Calibro 9
Deuxième volet : La mala ordina
Troisième volet : Il Boss