Milius
7.5
Milius

Documentaire de Joey Figueroa et Zak Knutson (2013)

Avec le temps qui passe, il faut malheureusement se dire qu'on ne verra plus jamais un film réalisé et/ou écrit par John Milius, alors qu'on attendait tellement sa vision de Gengis Khan ou la véritable suite de Conan le barbare que Arnold Schwarzenegger souhaite toujours interpréter.
Il faut dire que l'AVC sévère qu'il a eu en 2010 a mis un coup de frein brutal à sa carrière, unanimement reconnue et respectée, mais qui a peut-être trop souffert du personnage Milius.

Ce documentaire, comme son nom l'indique, parle d'un personnage très important dans le cinéma américain des années 1970 et 80 : John Milius. Scénariste de L'inspecteur Harry, Jeremiah Johnson, Apocalypse Now, Juge et hors la loi, non crédité sur une scène capitale des Dents de la mer, réalisateur de Dilinger, Le lion et le vent, Graffiti party, Conan le barbare, L'aube rouge... c'est dire s'il a marqué son temps et ceux qu'il a côtoyés durant sa vie. Car la liste des personnes interrogées est impressionnante ; George Lucas, Steven Spielberg, Clint Eastwood, Martin Scorsese, Arnold Schwarzenegger, Paul Schrader, Oliver Stone, Francis Ford Coppola, Michel Mann, Walter Mursh, Harrison Ford...
Très jeune, il affichait son côté pro-militaire en voulant partir à la guerre au Vietnam, ce qui lui a été impossible pour des raisons de santé. Mais il va se découvrir une passion pour le cinéma lors d'une projection dans son université de films d'Akira Kurosawa, et va donc aller à UCLA, une école de cinéma réputée où il sera ami avec un certain George Lucas. Toujours aussi passionnant, et passionné, car il parle d'autre chose que Star Wars et on le sent ravi et ému de parler de son ami, avec qui il va collaborer sur ses courts-métrages d'étudiant ainsi que sur Apocalypse Now au moment il était envisagé comme réalisateur. Signe fort de cet amitié jamais démentie, c'est l'échange de points de pourcentage entre lui et Milius au moment de La guerre des étoiles et Graffiti party, rendant le second très riche.
Il y a quelque chose chez cet homme massif, adepte du surf, ouvertement républicain et pour le port des armes, adorateur de Gengis Khan, de Roosevelt ou des préceptes des samouraïs, et dont le côté burné ressort inévitablement dans ses scénarios ou films. Comme le fameux Make my day, écrit pour Magnun force. Il a sans aucun doute joué de cet image, étant souvent filmé soit en treillis soit une arme à la main, et malgré le succès de ses scénarios, pour lesquels il était payé une fortune, ainsi que certains de ses films comme Conan le barbare ou L'aube rouge, il paraissait trop incontrôlable et hors normes dans un cinéma américain qui ne cherchait qu'à redevenir politiquement correct.
Les échecs consécutifs de L'adieu au roi et du Vol de l'Intruder vont lui porter le coup de grâce en tant que réalisateur, et il ne signera que quelques téléfilms. Notons aussi qu'il aura été un scénariste non crédité, un ghostwriter, comme par exemple A la poursuite d'Octobre rouge où il signera plusieurs des dialogues de Sean Connery, qui avait personnellement sollicité son aide.

Après une affaire malheureuse avec un gestionnaire qui va le dépouiller d'une grande partie de sa fortune, Milius va vouloir rebondir en demandant à être scénariste pour la série Deadwood, et dans le but de payer des études de droit à son fils. Touché par ce geste, le créateur David Milch ne va pas vouloir de ses services, intimidé par le fait de travailler avec le scénariste d'Apocalypse Now, mais il va faire un geste formidable qui est de payer les trois années d'études de son fils, sans rien demander quoi que ce soit à Milius. Qui le remboursera avec le succès de la série Rome dont il fut un des créateurs et des producteurs, ainsi que le scénariste d'un épisode.

En 2010, après avoir planché depuis près de vingt ans sur un biopic de Gengis Kahn, avec des extraits de storyboard très prometteurs, tout s'écroule pour Milius qui sera victime d'un AVC sévère, avec une rééducation qui va prendre plusieurs années, ce qu'on voit via des vidéos très émouvantes où l'homme, amaigri, cherche ses mots, mais garde tout de même le moral. Jusqu'à une scène quasi-finale où, accompagné de sa fille et d'un ami, il se rend à un stand de tir à la carabine et malgré quelques hésitations dues à sa maladie, arrive à abattre une des assiettes lancées en plein vol ; le roi serait de retour ?
Malheureusement, depuis 2013, et ce documentaire qui aura été tourné sur cinq ans, la situation n'a guère évoluée, et plus que jamais, John Milius ne cadre décidément plus avec son temps. Sa grande gueule et ses convictions ouvertement affichés lui ont sans doute nui, mais on sent chez toutes les personnes interrogées une sincère admiration pour cet homme, qui écrivait plus vite que son ombre, et grand conteur. Déjà rien que pour avoir réalisé Conan le barbare, il mérite notre admiration éternelle !

Riche en archives, et en interviews, le documentaire est vraiment passionnant, pas toujours langue de bois (notamment le fait qu'il n'ait quasiment rien écrit en rôle féminin majeur), et si j'ai une seule chose à lui reprocher, ça serait l'absence de sa collaboration avec le musicien Basil Poledouris, ni avec la bande originale extraordinaire du Lion et le vent, dont Raisuli Attacks doit être mon top 10 des musiques entendues dans un film.
D'ailleurs, il y a quelque chose de touchant liée avec la musique ; quand son fils raconte qu'il va le voir à l'hopital, toujours inconscient, il place près de lui son Iphone avec le thème de Conan le barbare (autre B.O. dans mon top 10), et c'est là que les premiers stimulus vont arriver, preuve que même cette musique peut sauver des vies !

Boubakar
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le 2 août 2022

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