Ce 3ème film des frères Coen suit la vie d'un homme de main de la mafia irlandaise à un moment critique de sa tumultueuse existence de gangster. Si vous vous attendez à voir un roux tirer sur tout ce qui bouge une Guiness à la main en mâchonnant un trèfle, vous risquez d'être un poil (de Leprechaun) déçu. Bien sûr, on y retrouve les incontournables règlements de compte qui scellent de façon plus ou moins définitive les inimitiés entre honorables membres de la profession.
Mais là où le film fait vraiment la différence, c'est dans sa reconstitution minutieuse de l'atmosphère des films noirs américains des années 30 ou 40. Les frères Coen signent avec Miller's Crossing un bel hommage au genre, en en récupérant les codes et, comme à leur habitude, en les détournant avec un humour noir plus ou moins marqué. Ici d'ailleurs, cet humour noir a tendance a se faire discret et à laisser le champ libre aux caractères bien trempés des multiples personnages, des manipulateurs sans scrupules aux femmes fatales envoûtantes, en passant par les brutes à la gâchette facile et les policiers étrangement arrangeants.
Rien n'est laissé au hasard pour que votre immersion dans l'Amérique d'avant-guerre soit totale. Il faut dire que la remarquable mise en scène saupoudrée de bonne musique y contribue grandement. Vous assisterez avec nostalgie à ces bucoliques promenades dans les bois en compagnie d'un associé un peu trop gênant ou à ces descentes de flics inopportunes dignes de l'âge d'or de la prohibition. On en viendrait presque à sentir l'odeur du canon de la sulfateuse encore chaude.
Film étrangement méconnu (j'entends parmi le grand public, je ne parle bien sûr pas des SensCritiquiens avisés), Miller's Crossing constitue, à mon humble avis de cinéphile amateur, l'un des meilleurs films des deux frères. A conseiller à tous les amateurs de fusillades sur fond d'air d'opéra.