Adolescente riche, passionnée de littérature et vivant seule au sein d'une vaste demeure d'une petite ville du Tennessee, Cairo Sweet a hâte d'entamer sa dernière année de lycée pour obtenir un aller simple vers l'université de Yale.
Lorsqu'elle rejoint la classe de Jonathan Miller, professeur de lettres à la carrière d'écrivain contrariée, celui-ci est sidéré par les connaissances de la jeune fille en matière de livres et particulièrement flatté de voir le sien, son seul et unique ouvrage, parmi ses affaires.
Poussée par sa meilleure amie en quête d'une première aventure avec un homme mature, Cairo entame un jeu de séduction avec son enseignant, qui n'y paraît pas insensible...
Énième variation autour d'une relation interdite entre professeur/élève, "Miller's Girl" ne bouleverse sans doute pas assez ce que l'on a déjà pu voir en la matière, notamment par son déroulement général ne pouvant qu'aboutir sur le retour de flammes inhérent aux dangereuses étincelles d'une telle situation, mais il a le mérite de l'aborder avec un angle faisant au moins la part belle à la perspective de ses personnages principaux pris dans la tourmente.
En effet, à la tentation croissante de Miller, où l'aura de l'enseignant érudit va peu à peu laisser place à un homme renvoyé à sa médiocrité, répond le parfait parcours inverse de Cairo, en apparence impassible mais finalement assez novice sur le terrain de l'amour et découvrant une nouvelle part d'assurance dès lors qu'elle se retrouve confrontée à sa première déconvenue en ce domaine.
Tiraillé entre un étonnant manque de finesse sur certains points (la progression très prévisible, le jeu sur les noms entre Miller et Henry Miller, les cigarettes & sucettes consommées sans cesse à l'écran par les adolescentes pour signaler leur situation d'entre-deux enfance/âge adulte, la descente aux enfers téléphonée de Miller, le côté "Mercredi" en plus rationnel par lequel on présente Cairo, ...) et de réelles fulgurances le temps de dialogues et séquences traversées d'interrogations bien plus subtiles qu'il n'y paraît sur ce rapprochement contre-nature (le parallèle avec l'autre relation du film et ses "limites" tendancieuses entretenues dans l'ombre, le génial face-à-face intense où Cairo affirme sa position de dominante, l'évolution du regard de la meilleure amie, l'échange houleux entre Miller et sa femme, le moment où le fantasme contamine la réalité ou encore la qualité de répliques bien senties, en adéquation avec les références littéraires mises en avant), "Miller's Girl" donne le sentiment d'un long-métrage doté de très bons ingrédients mais qui, au final, se contente de les utiliser pour un met peinant à égaler leurs saveurs respectives, sinon par touches.
Et, lorsqu'on parle de bon ingrédient, le casting vient évidemment tout de suite à l'esprit, que ce soient les têtes d'affiche (Freeman et Ortega sont excellents) ou les impeccables seconds rôles (Gideon Adlon en BFF, Bashir Salahuddin en pote/prof de sport et, surtout, Dagmara Dominczyk en épouse castratrice), ils permettent d'élever des scènes-clés à un niveau qu'elles n'atteindraient probablement pas sans leur présence à tous pour les faire briller.
Loin d'être déplaisant à découvrir, "Miller's Girl" n'est cependant pas le film le plus indispensable que l'on n'ait pu découvrir sur le sujet -on peut même se dire que, pour des personnages à la culture si impressionnante, il est fort dommage qu'aucun d'eux ne paraît avoir ouvert un certain célèbre roman de Nabokov ou visionné une de ses adaptations (ça leur aurait évité pas mal d'embrouilles)- et ce malgré de sérieux atouts toujours prompts à en souligner ses temps les plus forts.