J’étais tellement sure que j’allais détester ce film, la thématique vue et revue d’une relation entre un professeur et son élève laissant peu de place à la créativité et aux idées nouvelles. Les critiques étaient également loin d’encenser ce chef d’oeuvre qu’est Miller’s Girl.
Ce film m’a transportée par sa beauté, ses symboliques, et son extravagance. Plongé dans une ambiance gothique magistrale, Miller’s Girl prend pour protagonistes John Miller, un écrivain manqué à la recherche désespérée de reconnaissance et d’approbation, et Cairo Sweet, une adolescente prodige et fougueuse qui le vénère. Bien que Cairo soit la narratrice de l’histoire, le film est clairement dépeint du point de vue de Miller (le fameux male gaze). Ce récit est son fantasme, mais aussi ses pires craintes qui deviennent réalité. Il se trouve subjugué par cette nymphe à la beauté sombre et envoutante, qui lui offre la validation qu’il attend depuis si longtemps et n’obtient pas de la part de sa femme, qui elle le voit pour ce qu’il est réellement.
Bien sur rien dans ce film n’est réaliste, on nous place dans une sorte d’univers parallèle ou les deux (seules) élèves avec qui Miller est en contact sont des aguicheuses, prêtes à mettre leur sexualité entre les mains expertes des seules figures parentales présentes dans leur vie: leurs professeurs. Les jeux de lumière soulèvent d’ailleurs énormément cette notion de l’irréel, Cairo étant constamment nimbée d’une lumière verte, symbolique de l’abondance et de la renaissance. Il est d’autant plus comique que Cairo vive dans une demeure supposément hantée, pouvant ici symboliser les rêves de Miller morts et enterrés, mais dont les fantômes ne cessent de revenir le torturer.
Puisqu’il s’agit donc de son fantasme, Miller se croit autorisé à abuser de cette jeune fille, puis à la rejeter. Et c’est à ce moment que tout bascule. Cairo le voit enfin comme tout le monde l’a toujours vu, un homme médiocre, sans courage, et volontairement impuissant (pour la paraphraser). La nymphe se transforme alors en vampire vengeresse, prête à tout pour le faire tomber, et Miller voit alors sa vie s’effondrer et ses peurs se réaliser.
Tout dans ce film est exagéré à l’extrême: les costumes abusivement érotiques, le jeu d’acteur théâtral, les comportements incongrus et loufoques des personnages, et j’en passe. Il est sur que la réalisatrice n’a pas voulu faire dans la demi-mesure, peut-être de peur d’être trop subtile et que l’on ne comprenne pas l’intention du film? L’un dans l’autre, le film est camp, et c’est assumé!
Avec un air de Emerald Fennell et son Promising Young Women, Jade Bartlett nous délivre donc une oeuvre étonnement sublime et féministe, et j’ai hâte de découvrir ce qu’elle nous prépare pour la suite!