Millions
5.7
Millions

Film de Danny Boyle (2005)

Danny Boyle réalise son conte de Noël. Avec la même volonté toujours de se frotter à la magie de genres différents et la créativité débordante qu’il aime distiller au fil de son œuvre, l’écossais traficote les ficelles traditionnelles de la séance familiale pour ajouter une dose d’enfance à sa trilogie Bag Of Money, confrontant ici deux frères aux questions abstraites de la fortune, de ses ineptes avantages et de ses sombres inconvénients, sur fond d’un



humour plus tendre qu’à l’accoutumée.



Anthony et Damian viennent de perdre leur mère. Seuls avec leur père, ils s’installent dans une nouvelle maison, dans un nouveau quartier, et rejoignent une nouvelle école. Ne parlent pas de leur mère sauf pour gratter en pitié un peu de nourriture. Le plus jeune, Damian, se réfugie autant qu’il peut dans une cabane de carton et dans son imagination le long de la voie ferrée. Là il parle avec les saints qui daignent le visiter. Jusqu’à ce que le Bag Of Money tombe du ciel. Dès lors, les deux frères vont chercher à s’accorder quant à la manière de gérer ça.



If the government finds out about it, they’ll take forty percent of
it ! Do you know what that is ? It’s almost all of it !



Sur la forme, Danny Boyle continue de ne pas se renier et c’est peut-être



un de ses films où l’expérimentation est la plus poussée



– du scénario avec les séquences de vision, à l’image avec une série de fondus numériques inattendus et magiques. Ouverture en voix-off évidemment, celle d’un garçon d’une dizaine d’années, sur une douce mélodie aussi tendre et enfantine qu’envoûtante, la situation est immédiatement posée. Séquences clipées, rythme entraînant, sans répit sans être pour autant précipité, une ou deux longueurs même, le réalisateur articule son récit, et son image, autour du plus jeune des deux frères et de ses saintes visions, jamais inutiles pour l’accompagner face aux doutes qu’il affronte. La musique souligne, comme d’habitude efficacement, les envolées narratives. Quelques doses d’humour tendre, comme lorsque le plus jeune annonce qu’il souhaite donner l’argent aux pauvres sur un plan du contenant, un sac siglé Nike - Just Do It – sous le lit. Un peu de poésie avec une magnifique, apaisante libération d’une petite multitude d’oiseaux. Parenthèse narrative, l’écossais en profite pour faire son propre Great Train Robbery en cinq petites minutes d’un récit en abîme dans les toilettes pour garçons de l’école, jouets à l’appui de la démonstration. Des moments plus lourds, plus sourds, sombres, avec la menace du malfrat qui cherche à récupérer son butin. Un final où viennent s’entrechoquer les nombreux fils étirés depuis le début du récit.



Au-delà du conte niais,



Danny Boyle construit un équilibre intelligent de thriller, de film familial moral et de fable judéo-chrétienne en scrutant de près les rendez-vous fantastiques de l’imaginaire de Damian.



I felt it was a miracle, but it was just robbed. 


Deux frères, deux aventures.
L’ainé frime, s’achète une popularité à l’école et tente de réfléchir aux moyens de faire fructifier l’argent, jusqu’à envisager d’investir dans l’immobilier. Protège jusqu’au bout ce qu’il considère comme leur trésor. Le second, bercé de bonté et d’une naïveté magnifique, n’est que générosité pure, prêt à aider quiconque le demande sans même penser aux dangers auxquels il s’expose alors dans l’inévitable avidité des hommes. Le jeune Alex Etel interprète avec une incroyable sincérité un enfant toujours à l’âge des grandes illusions, et donne un corps sensible et frais à ce garçon persuadé que sa mère est une sainte en paradis, et qui demande donc de ses nouvelles à tous ces saints qui le visitent.


Véritable conte de noël malgré le mélange des genres, Millions met en scène un personnage extraordinaire dans un environnement trop structuré, lui adjoint un élément perturbateur, à la fois ami et ennemi, et développe



une fable sur la générosité naïve de l’enfance.



Raconte quelque part la lueur de foi insouciante d’un âge que l’adulte oublie en se confrontant aux impératifs de la société. Ici c’est l’amour qu’il porte aux autres qui protège le jeune héros autant qu’il le guide, et Danny Boyle, avec un sac d’argent volé d’où s’envolent toutes les petites coupures narratives qui construisent son personnage, donne une leçon d’humilité et de générosité tout en continuant inlassablement d’étudier les antagonismes de pensées qui forgent les caractères.

Matthieu_Marsan-Bach
7

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Créée

le 14 janv. 2017

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