Le sexe des poussins
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le 2 mars 2021
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Produit entre autres par Brad Pitt et réalisé par Lee Isaac Chung, pressenti semble-t-il pour réaliser l’adaptation live du film d’animation japonais Your Name. Chung démontre avec Minari une certaine emphase artistique qui ne lui sera pas de trop pour mettre en images une histoire aussi particulière. Ayant grandi dans une ferme de l’Arkansas et fils d’immigrés coréens, Minari n’est pas du tout étranger à sa vie personnelle.
Dans les années 80, une famille de coréens-américains vivent grâce au travail des parents dans les fermes à poussins. Travail consistant à distinguer les femelles des mâles considérés comme à mettre au rebut. Ceci jusqu’au jour où le père décide d’acquérir une longue caravane maisonnette sur un lopin de terre capable de faire pousser la production qu’il ambitionne de légumes typiquement coréens. Il s’agit alors de suivre le père, la mère, la fille et le fils (qui a un problème au coeur) rapidement rejoints par une grand-mère au centre des séquences les plus drôles de l’histoire.
Si le film joue bien sûr le contraste entre une petite population coréenne nouvelle sur des territoires de campagnes américaines peuplés d’hillbillies, il ne tire pas tant sur la corde d’un racisme passif pour plutôt mettre en avant le scepticisme réaliste de la famille débarquée devant un mode de vie américaine un peu en proie à certaines superstitions mais non verrouillé dans des chapes de plomb qui font pointer « l’étranger » du doigt.
On peut dès lors se concentrer sur le petit business familial en plein essor et la vie afférente de personnages qui parleront surtout en coréen tout au long du film. Ce qui frappe d’abord c’est cette capacité du rêve américain à pouvoir laisser bâtir de leurs mains les propres ambitions de ses poursuivants dans une facilité qui n’est plus du tout d’actualité. Ce qui frappe ensuite c’est la façon de construire le drame qui entourera cette famille, sans facilité scénaristique ni apitoiement exagéré. Beaucoup de ce drame se jouera d’ailleurs entre le père (Steven Yeun) et la mère (Ye-ri Han) capables de jouer une émotion davantage stoïque que ce à quoi les drames occidentaux peuvent nous habituer. A l’image un peu de ce que propose Wong Kar-wai. On est plus largement jeter dans une famille aux caractères assez hétéroclites, du fils faussement lunaire à la soeur touchante de par ses attentions mais parfois agacée en passant par la grand-mère atypique, pour autant cette famille démontre aussi ses liens étroits et difficilement dénouables malgré un dénouement dans les flammes.
Au-delà du registre dramatique Minari ne rate pas ses excursions comiques intelligemment amenées et surtout mémorables comprenant notamment un bol "d'eau de montagne" quelque peu viciée et une brindille censée délivrer une punition suprême. On pourrait reprocher des personnages secondaires servant davantage de décorum mais ce serait vite oublier Will Patton en hurluberlu qui porte sa croix lors des jours saints et qui travaille sur la ferme du père.
Pour finir Minari ne construit pas tant son drame sur une succession d'évènements que sur les états d'âmes de personnages en transition. Il en résulte un film qui pourrait apparaitre de prime abord comme classique mais qui prend vite une saveur un peu nouvelle qu'on n'avait plus tant l'habitude de goûter. C'est sûrement un peu comme goûter au "minari", plante comestible à l'origine du titre et que la grand-mère fait pousser à l'ombre d'une clairière alentour.
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Créée
le 2 janv. 2021
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