Minne, l'ingénue libertine par Christine Deschamps

On ne peut guère se plaindre qu'un film soit horriblement désuet quand on se pose devant une adaptation d'un livre de Colette qui remonte à 1950, donc je ne le ferai pas. L'ingénue du titre est plus exaspérante que libertine, à vrai dire, avec ses mines de petite fille capricieuse, devant laquelle tout les autres personnages sont étrangement indulgents, mais le propos n'est pas si déconnecté qu'il en a l'air : la fille épouse un gars qu'elle connaît depuis toujours (détail d'époque : c'est son cousin...) et réalise tout de suite quel ennui elle risque d'éprouver à ses côtés. Bien évidemment, sa mère lui garde le petit couplet sur la nuit de noce pour quand il est trop tard, mais, de toute façon, la gourgandine n'est pas du genre à écouter qui que ce soit. Elle ne garde pas de ses découvertes nocturnes de traumatisme puisqu'elle se livre tout de suite à une exploration d'autres lits que le conjugal, tout en continuant à se raconter des fables infantiles sur sa vie sentimentale aventureuse. Tout était plutôt mal engagé, dans ce film, donc, mais une fois le décor posé, les relations entre les personnages s'étoffent un peu et on finit par se prendre d'affection pour le cocu, un bien gentil garçon que l'amour véritable rend plus compatissant que jaloux. Le rebondissement final est aussi improbable que mièvre et je gage que le livre de Colette devait être infiniment plus spirituel que cette adaptation tout entière fondée sur le charme de son interprète, qui a bien vieillit et auquel tout le monde doit être imperméable aujourd'hui. Ses effeuillages font plutôt sourire, en raison du nombre de couches qu'il lui faut enlever pour finir en maillot de bain 1900 ultra-couvrant et plein de fanfreluches. Comme en plus Danièle Delorme avait une gentillesse prononcée dans le regard, on étouffe carrément un gloussement à plusieurs reprises, en se sentant un peu coupable, car ça n'était pas l'effet recherché...