Même s’il y eut Impitoyable et Sur la route de Madison, la carrière de cinéaste de Clint Eastwood n’était pas encore aussi connue qu’elle ne l’est aujourd’hui (surtout avec Mystic River, Million Dollar Baby, Mémoires de nos Pères, Lettres d’Iwo Jima, L’Échange, Gran Torino, Invictus). L’ancien Inspecteur Harry est également passé par des réalisations quelques peu douteuses (j’en parlais déjà au sujet du Maître de Guerre). Comme ce bizarroïde Minuit dans le jardin du bien et du mal, adaptation du roman éponyme de John Berendt.

Inspiré d’un fait réel, l’histoire retrace le jugement d’un homme, Jim Williams, fêtard introverti, accusé du meurtre de son jeune compagnon. Un jugement qui, ici, sera vu par John Kelso, envoyé à Savannah (Géorgie) pour couvrir la fête de Noël du même homme et qui décide finalement de rester sur place jusqu’à la fin du procès. Ce qui lui donnera le temps de découvrir l’étrange faune que composent les habitants de Savannah (où le vaudou semble avoir une place importante). Et c’est là que vous vous posez cette question qui m’a tant trotté dans la tête : pourquoi Clint Eastwood ? Un tel récit n’est franchement pas dans ses cordes. Minuit dans le jardin du bien et du mal aurait très bien pu atterrir entre les mains Michel Gondry, Terry Gilliam ou même Tim Burton. Mais non ! C’est ce bon Clint qui en hérite, montrant qu’il n’est franchement pas fait pour raconter une telle histoire.

Car Minuit dans le jardin… (marre d’écrire le titre !) n’est pas qu’une histoire de procès. Cela présente en plus des personnages hauts en couleur (une mamie vaudou, le vieil homme promenant un chien invisible, celui entouré de mouches, la célébrité drag queen…). Et c’est là qu’il faut reconnaître l’audace de Clint dans ce projet. Celle qui le fit sortir des sentiers des battus en osant sortir des clichés qui lui ont été attribués depuis le début de sa carrière. Ceux qui auraient pu lui faire pondre une simple histoire de procès comme Hollywood raffole au lieu de faire ressortir tout l’univers du livre. Malheureusement pour lui, il aurait peut-être valu rester avec cette étiquette là pour ce film. Car Clint allonge son histoire à tel point que les personnages n’ont rien d’intéressants, le film se montre d’un ennui parfois mortel, le bizarroïde ne marche pas à l’écran… Beaucoup de choses semblent meubler un scénario vide de sens et d’intérêt !

Et quand je vous dis que cela aurait donné autre chose avec les réalisateurs cités plus haut, c’est que, vraiment, Minuit dans le jardin… pouvait se présenter de bien des manières dans les mains d’un expert ! Rien que cet homme toujours survolé par des mouches, où l’on voit clairement la tige qui les fait virevolter dans les airs. Comme pour des effets spéciaux « maison » à la Michel Gondry ! Avec lui à la barre ou un autre, tous les détails jugés étranges du film passeraient inaperçus (adéquats à l’univers qui nous est présenté, plutôt) ou bien délectables à nos yeux. Mais là, on se demande toujours « pourquoi ? » à chaque fois que l’on voit une étrangeté apparaître à l’écran. Et si le côté fantastique ne fonctionne pas pour le film, il n’est pas étonnant que le scénario ne mette pas non plus dans le mille.

Dommage car, comme à son habitude (malgré quelques exceptions, comme Le Maître de Guerre) s’entoure d’excellents comédiens. Si Minuit dans le jardin… peut se montrer intéressant, c’est bien par sa distribution, qui réunit un John Cusack trop souvent cantonné aux seconds rôles ou bien mal exploité dans des blockbusters à gros budget (ah, la connerie cartoonesque de 2012…) alors que le comédien prouve là qu’il est capable de bien jouer ; et un Kevin Spacey qui, à l’heure actuelle, n’a eu qu’une fausse note dans sa filmographie (Superman Returns). Rien que pour un tel duo, nous ne pouvons que dire oui pour accepter de voir ce film.

Sans oublier l’importance musicale qui importe à Clint pour ses films (le réalisateur confiant souvent la BO à son fils et en participant même par moment). Pour Minuit dans le jardin…, il confie la tâche à Lennie Niehaus, son compositeur de toujours jusqu’à Créance de Sang (2002) qui livre une bande son assez jazzy et donc entraînante, qui s’accorde avec le cadre qui nous est présenté dans ce film. Sans oublier d’apporter la (seule) touche de fantastique lorsque le film plonge dans la sorcellerie vaudou. Au moins, l’ambiance du film est soignée !

Oui, on peut féliciter Clint Eastwood d’avoir voulu se lancer dans autre chose que son cinéma traditionnel (fait de westerns et de policiers). Mais il en fera malheureusement les frais en livrant un film bavard et fort ennuyeux, qui ne présente pas d’intérêt à part celui de présenter un bon casting et une bonne ambiance. Normal que Minuit dans le jardin… ne soit pas un film de la carrière du grand Clin qui ait marqué les esprits !

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