"Miquette et sa mère" , est un film encore plus théâtral que l'original conçu par Robert de Flers et Gaston Armand de Caillavet . Ce vaudeville de 1906 a été adapté à quatre reprises . Il fut l'un des titres les plus célèbres du théâtre de ce duettiste régnant sur le boulevard d'avant-guerre de 1914 . Mais que dieu sa quatrième adoption sur grand écran est ... laborieux . Et pour beaucoup d'analyseur de Clouzot , ce film est considérée comme le film raté dans son œuvre . Déjà , quand vous avez l'adaptateur et frère du réalisateur Jean Clouzot et Jean Ferry qui sont tous deux invités à collaborer au script , le cadet décrit ces séances de travail ainsi : " Si le travail n'avançait pas assez vite , de rage il mordait dans ses draps et nous assenait d'un < vous allez trouver un truc drôle !>" Et c'est bien là le problème : Henri-Georges Clouzot n'avait aucun sens de l'humour et ne comprenait même pas un trait d'humour . Ça ne pouvait que commencer mal comme pour les tournages tumultueux du réalisateur... Non seulement le cinéaste le reconnaissait volontiers et en plus quand on a l'apparenté avec les cinéastes Billy Wilder et Hitchcock il eut une réponse d'un " Moi , il me manque quelque chose qu'ils ont : je n'ai absolument pas le sens de l'humour !" . Et pour ne rien arranger de ce passage à vide de son cinquième long-métrage il rajoute : " J'avais un contrat pour adapter <Rire dans la Nuit> (qui sera finalement adapté en 1969 par le cinéaste Tony Richardson https://www.senscritique.com/film/la_chambre_obscure/484333 ) , le directeur du cinéma français d'alors ma expliquer que ce serait mal venu de tourner ça . J'ai proposer au producteur de lui rendre son chèque et qu'il me rende ma liberté . Mais il s'est entêté et m'a donné un choix entre deux ou trois sujets qui ne plaisent pas beaucoup . Et j'ai fini par piquer Miquette ... Un petit peu pour goût de paradoxe et aussi pour l'embêter" . Ça ne donne rien de bon quand on fait les choses à contrecœur et cela malgré la présence de deux grands acteurs de théâtre comme Louis Jouvet et Saturnin Fabre ou encore Bourvil , cantonné à tournée une poignée de films creusant le même sillon du paysan simplet , mais qui pour ce coup-ci et pour la première fois à l'âge de trente deux ans lui permis de sortir de ce personnage . Comment ne pas parler de "Miquette ..." sans évoquer son actrice principal qui y joue son rôle-titre : Danielle Delorme . Celle-ci avait déjà convoquée par le cinéaste pour faire un petit rôle muet dans "Manon" . Et c'est en larmes qu'elle revint . Celui-ci n'a pas été de main morte en disant à Delorme qu'elle ne pourra jamais faire du cinéma du à son strabisme . Mais lorsqu'elle est devenue une vedette avec Gigi , Clouzot décida de l'engager .
Onze semaines de tournage , avec les tensions habituelles de Clouzot , et sa sortie , son accueil fut plus que mitigée . C'est l'un des deux films au metteur en scène qui lui a fait perdre de l'argent . Transposer sur grand écran sans jamais sortir dans ce cadre a un effet gênant (on est loin du théâtre filmé à la Michael Gordon à Cyrano pourtant sorti dans la même année voire l'autre de Cyrano de Rappeneau tournée quarante plus tard) . Alors , il y a une intrigue mais bon dieu qu'est-ce que c'est surjouée . Certes , il y a ces acteurs de renom que j'ai cité au plus haut (Jouvet et Fabre) , mais ça tombe vite dans la niaiserie . Peut être est-ce du à cette énième tension au tournage avec ce heurtement entre Fabre et Clouzot , qui voulait que le comédien joue autrement . Fabre le répondit sèchement d'un "viens pas me casser les couilles .. et ça fait des lustres que je joue comme ça . Si t'es pas jouasse que je joue aussi mal c'est à cause de toi, connard ." . Et Clouzot répliqua d'un " Oh mais si je t'ai engagé c'est parce que justement tu joues comme une merde" ... Bon j'ai (un petit peu) exagéré sur le ton familier , mais dans son ambiance c'était ça . Mais si ce film reste pour autant sans intérêt c'est qu'à la base Clouzot est tout simplement ce ressenti vengeresse que son directeur du cinéma français qu'il l'a déconseillé de réaliser ce roman de Nabokov que j'ai cité au plus haut (qui obséda Clouzot un long moment) . De là , il saborda cette comédie en la tirant en bouffonnerie ... Faut donc pas s'étonner d'un tel échec à sa sortie tant Clouzot fait de ce boulevard une mécanique artificielle dans laquelle ces personnages sont des marionnettes grimaçantes .
Un mauvais "tournant" ^^ de l'œuvre du cinéaste .