Le sourcil dru, la mâchoire légèrement prognathe, autant de non-critères de beauté qui confèrent à notre héroïne un charme singulier, traduction physique de la détermination qui la caractérise. Un charisme qui ne trouve cependant pas écho chez les autres personnages, en définitive bien transparents. Son père même, chez qui l'on attendait une aura puissante, qui impose le respect, est une figure très oubliable. Je veux bien croire qu'il y a là une volonté de démystification, mais la conséquence directe est que la force de volonté de la fille, sans symbole consistant contre lequel s'exercer, nous paraît à son tour superficielle. Cela est bien dommage, puisque même la figure centrale du film est ainsi vouée à rapidement s'effacer de nos mémoires.
Plus globalement, on note que ce film peut se montrer très inégal. Il ouvre quelquefois des pistes intéressantes sur la force créatrice, qui versent ouvertement dans le fantastique, mais la banalité de leur conclusion émousse leur caractère intrigant voire inquiétant. Certes, on comprend que l'artiste a apprivoisé ces élans mystiques qui composent son don, et qu'il n'a de fait pas de raison de s'en montrer impressionné comme nous : cependant, cela laisse au spectateur une impression décousue, dans une succession d'anecdotes dans laquelle on ne peut démêler la part de surnaturel assumé de l'imagination des personnages.
L'enchaînement semble ainsi manquer de sens, d'autant qu'il est entrecoupé de scènes de peu d'intérêt, dans lesquelles on sent que l'on veut nous faire explorer la personnnalité et la vie intime de notre héroïne, mais qui restent toujours insuffisantes pour faire émerger un point d'ancrage, une connexion. Nous en revenons au manque de profondeur des personnages, qui se traduit par un manque d'émotion même dans les scènes censées, nous l'imaginons, nous arracher la petite larme syndicale.
C'est ainsi que nous arrivons à la fin sans trop savoir pourquoi, puisque le climax qui nous l'amène est à peine ressenti – en vérité, je crois qu'il est seulement compris intellectuellement. S'il est évident à l'esprit qu'il s'agit d'une conclusion, le coeur reste sur sa faim. Le voyage s'achève en ayant à peine été effleuré par l'émotion, bien qu'il laisse s'attarder un instant sur la rétine quelques images pleines de magie. Cette illusion-là, pourtant, sera elle aussi bien vite dissipée.

Shania_Wolf
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Obsession : Films japonais vus et Contrôle de rentabilité de la carte UGC illimité

Créée

le 5 sept. 2015

Critique lue 534 fois

8 j'aime

1 commentaire

Lila Gaius

Écrit par

Critique lue 534 fois

8
1

D'autres avis sur Miss Hokusai

Miss Hokusai
mxmxm
6

La Femme emportée par la vague

Il est difficile de deviner à quoi s’attendre quand on évoque Keiichi HARA ; après des années de fidélité au personnage de Doraemon et à la série Crayon Shin-Chan, HARA s’est illustré au cinéma en...

le 3 sept. 2015

15 j'aime

Miss Hokusai
sseb22
7

De la vague à l'âme

Miss Hokusai retrace une tranche de vie de O-Ei et sa famille, O-Ei étant la fille du célèbre peintre japonais connu sous le pseudonyme d'artiste Hokusai (l'un de ses 30 pseudonymes !). Keiichi Hara...

le 22 sept. 2015

12 j'aime

Miss Hokusai
Christoblog
4

Joli et inconsistant

J'avais trouvé très intéressant et original le précédent film de Keiichi Hara, Colorful. Je m'attendais donc à être enthousiasmé par Miss Hokuzai, porté par une critique très...

le 13 sept. 2015

10 j'aime

1

Du même critique

Split
Shania_Wolf
5

Fin de course ?

On a bien du mal à s’imaginer que la même personne se trouve derrière l’ambiance dosée et maîtrisée de Sixième Sens ou Signes et la mise en scène facile et sans personnalité de Split. C’est que le...

le 19 févr. 2017

137 j'aime

12

La Tortue rouge
Shania_Wolf
7

Une île de poésie dans un océan de blockbusters

Extrêmement épuré, dans l’histoire, l'image comme le son, La Tortue Rouge promet une expérience apaisante, suspendue au-delà du temps. Un instant de poésie dans ce monde de brutes, mais dont les...

le 28 juin 2016

105 j'aime

3

The Assassin
Shania_Wolf
4

Ôde à l'esthète

La forme sans le fond. C'est un regret amer, celui d'un parfum somptueux qui s'évapore aussitôt, d'arômes riches qui ne tiennent pas en bouche. On frôle le sublime mais ne reste que la...

le 18 févr. 2016

101 j'aime

18