Sur le papier, le pinceau, après être resté immobile, comme pensif, s'anime soudain. Les premiers traits sont tracés, épais et d'un noir d'encre. Formes peu à peu détaillées, sur les notes d'une musique rock comme anachronique. Puis le pinceau se fait plus fin, plus léger. Toujours au noir, avant d'être trempé dans la couleur la plus chatoyante. La main de Keiichi Hara est à l'oeuvre, comme peut l'être celle de Hokusaï, ou de celle qui se cache derrière lui, dans une collaboration à sens unique, O-Ei, sa fille.
Keiichi Hara dessine une oeuvre multiple. Il est question d'acte de création, d'art, bien sûr, sans que cela ne soit pourtant le thème central du film. Il exécute ensuite un joli portrait de femme libre et en avance sur son temps. Revêche comme son père, râleuse, indépendante, elle expérimente cependant le sentiment amoureux dans un silence, animé comme un très joli personnage aux multiples couleurs. Le réalisateur brosse aussi une large peinture de l'époque de Hokusaï et de la ville d'Edo, comme une plongée en apnée d'une heure trente dans le XIXème siècle, entre la spiritualité, qui pourrait bien, au détour d'un plan, faire apparaître le kappa d'Un Eté avec Coo, un hommage à l'art foisonnant, la culture urbaine riche et diversifiée.
Miss Hokusaï est avant tout une nouvelle peinture de Keiichi Hara qui, finalement, continue de parler des mêmes obsessions depuis Coo et Colorful. Même traditionnalisme, même spiritualité matinée de fantastique appliqué cette fois à l'acte créatif. Et surtout, même personnage qui évolue au sein d'une famille plus ou moins dysfonctionnelle. Celle d'O-Ei est éclatée. Elle vit avec son père, avec qui elle partage son art et sa vie qui ne s'encombre pas des contingences matérielles. Mais elle reste très proche de sa jeune soeur, qui sent les choses à défaut de les voir. C'est cette relation, cette sensibilité qui émeut, et ce duo le plus touchant des aspects de Miss Hokusaï. Car seule, la vie d'O-Ei évolue dans un ryhme en demi-teinte et parfois indolent qui, s'il n'ennuie pas, aura cependant raison de ceux qui ne sont pas rentrés dans le film. Pour eux, le dernier Hara sera une fleur qui ne s'ouvrira que tardivement.
Mais Miss Hokusaï saura malgré tout ravir le fan d'animation, l'amateur de belles choses, ainsi que celui, curieux, qui déjà vu cette grande et magnifique vague de Kanagawa sans pour autant connaître le nom de son artiste, qui peignait à quatre mains.
Behind_the_Mask, qui a foiré son mélange de couleurs.