Tim Burton semble distiller dans ses œuvres, si ce n'est des lambeaux de lui-même, tout du moins des bribes de pensées oniriques. C'est une fois encore ici le cas avec un adolescent incompris, que son entourage, et le monde des adultes en général, paraît considérer comme malade tandis arpente un monde imaginaire. Bienvenue dans l'univers parallèle du poète crépusculaire !
Dans ce Miss Peregrine cependant, le réalisateur oscille entre deux tendances : La première rappellera ses récits les plus sombres (Sleepy Hollow, Sweeney Todd), faite de noirceurs, de pâleur et de vermillon ; la seconde, plus criarde et burlesque, évoquera une folle exubérance (Betlejuice, Charlie et la chocolaterie). Un peu entre les deux, il y eut Dark Shadow dont Eva Green revient ici en tant que personnage de premier plan.
Si sa galerie de portraits apparaît fidèle à ce que l'on apprécie chez Tim Burton (regards hantés, visages blafards, silhouettes contrefaites), la narration pourra poser des questions.
L'histoire débute dans un monde ancré dans une réalité moderne (en 2016) mais dont un pan du voile va bientôt se déchirer pour révéler les monstres enfouis dans les cauchemars. Des histoires fantastiques racontées jadis par son grand-père, dont il subsiste des traces si importantes que son entourage, parents en premier lieu, va imaginer le jeune héros un peu fou. Une quête va alors débuter pour remonter aux origines de ces fabuleux récits d'enfance.
Si les enfants particuliers et leurs protectrice, Miss Peregrine, forment un groupe très réussi, les sépulcreux, monstres censément terrifiants, pourront apparaître un peu moins crédibles. Les méchants en revanche, menés par le talentueux Samuel L Jackson, se montrent troublants à souhait. là où le bât blessera un peu, c'est davantage dans le changement de ton d'une histoire sombre tout à fait réussie qui bascule pour devenir totalement burlesque à un moment donné. Les sépulcreux, en pleine fête foraine rutilante, vont se retrouver confrontés à des hordes de squelettes endiablés et le tout, en plein jour ! Du grand n'importe quoi à la Mars attacks. La fin du film apparaît alors gâchée alors que tout ce qui avait précédé était si plaisant.
La photographie, les décors imaginatifs, les accessoires mystérieux, les personnages troublants, les physiques atypiques, tout était bien là pour mettre à flots le navire Burton depuis les profondeurs où l’avait plongé le très moyen Alice au pays des merveilles (et quelques autres relatifs ratages).
Alors si nombre d’éléments plaident en faveur de ce joli film qui renoue presque avec son passé glorieux (y compris des clins d’œil à Big Fish), Tim Burton semble tomber dans quelques travers. Le brillant réalisateur parviendra t-il un jour à réussir un nouveau grand film ou bien demeurera t-il prisonnier d'une boucle temporelle ? Seul l’avenir pourra le dire...