Si le film est bien désuet et n'offre que quelques sursauts notables (références à Jason et les Argonautes, vision d'un navire ressuscitant d'entre les flots) et un début sympathiques à regarder, il est intéressant de se pencher sur le film vis-à-vis de la filmo du vieux Tim.
Car il raconte quoi, ce film ?
Miss Peregrine et les Enfants Particuliers, c'est l’histoire d’un jeune garçon (Jacob), qui à la mort de Tim Burton (son grand-père) part en quête de ses fans nostalgiques (groupe d'enfants aux pouvoirs "particuliers") qui résident, avec leur gouvernante, dans une boucle temporelle, sur une île du Pays de Galles.
Ces fans, incapables de vieillir, sont menacés par des producteurs (des monstres aux allures d’hommes et de femmes d’affaire) qui les condamnent à vivre dans leur passé, incapables de voir ce qu’est devenu leur idole (pour ce faire, ils mangent les yeux) et de se rendre à l’évidence que, pour continuer à être l’Artiste, Tim Burton a besoin d’évoluer, de changer, d’oser.
Tim a eu un sursaut, il y a quelques temps, en sortant Big Eyes, dans lequel il se questionnait sur lui-même, sur l’artiste qu’il est et celui qu’il souhaiterait être. Ici, il livre un constat navrant sur sa carrière. Car le pauvre Tim est bien forcé de s’en rendre compte, cela fait bien des années maintenant qu’il ne livre que de pâles copies de ce qui faisait l’essence de son art à ses débuts ; copies réclamées à grand cris par producteurs et fans qui, pourtant, se sentent lésés et déçus à chaque nouveau visionnage. Comme si Tim Burton était désormais incapable de faire quoi que ce soit d’autre qu’un film aux allures gothiques, mettant en scène des reclus de la société enfermés dans leur imaginaire, différents des autres, souvent triste, seuls, sans aucun autre questionnement. Bref, des coquilles vides.
Ce n’était pas faute d’avoir essayé autre chose avec sa Planète des Singes, boudé par un public qui ne le reconnaissait plus. Condamné, Tim est coincé dans un éternel recommencement qui, au fil des ans, s’effrite, se fane, à l’instar de cette fleur que Jacob emmène dans sa propre temporalité, impossible de résister à la modernité.
Ainsi, Miss Peregrine… nous embarque dans un petit train fantôme nostalgique, évoquant tour à tour les précédents films de Burton, de Batman à Charlie et la Chocolaterie (la BO s’en inspire clairement par instants), sans oublier Edward aux Mains d’Argent (le combat désuet de marionnettes). Pourtant, même leur créateur dans le film avoue en être nostalgique ; « Si tu avais pu voir les combats épiques que j'organisais dans ma chambre... » dit-il, amère. Tim Burton est fatigué, et c'est cette fatigue qui plane sur le projet lui-même. Enoch ira jusqu'à resusciter le temps d'une scène les restes d'un éléphant, rappelant Dumbo, projet avorté que Burton devait réaliser.
Amère, les fans le sont sans doute aussi, mais c’est bien Burton qui est le plus à plaindre dans cette actualité cinématographique qui, vieillissant, se retrouve piégé par une société et un formatage qu’il dénonçait tant à ses débuts (qui ne se rappelle pas de ces maisons identiques de petite banlieue américaine dans Edward… ?).
Reste un espoir, un seul, celui de passer le relais à un autre que lui, plus jeune. C’est clairement la conclusion que livre Burton en mettant en scène ce grand-père, revenu d’entre les morts, qui dit à son petit-fils de prendre sa place au sein de ce petit groupe d’enfants et de mener leur barque à bonne destination. C’est désormais à la jeune génération de prendre le relais.
Burton, mort ou pas ?
Je me rappelle alors de cette déclaration de Rafik Djoumi qui disait qu’un espoir subsistait pour le bon vieux Tim. Celui de ne plus être Tim Burton.