Ah, ça me fait bizarre de dire ça – moi qui tentais de prendre la défense de Burton face aux détracteurs de ses derniers films, et surtout Dark Shadows – mais j'ai comme un arrière-goût amer dans la bouche aujourd'hui. Un sentiment de trahison, et voilà que je dois me résoudre à dire que les gens n'avaient peut-être pas totalement tord quand ils le disaient « perdu ». Pas que j'ai envie de porter un quelconque jugement sur l'homme, que j'admirais, mais sur son œuvre. Comme un constat désœuvré, peut-être que je me voilais juste la face, nimbée des visions rétrospectives d'Edward ou Beetlejuice.
Ce sont ces mêmes visions, fragments de rêves marqués sur pellicule, qui me permettent aujourd'hui de dire que j'ai détesté Miss Peregrine. Il me manque le temps où Burton traduisait ses fantasmes loufoques par des trucages en carton-plâtre, desquels suintait l'amour d'un genre ; le temps où on le sentait, grand enfant bizarre, fondu derrière ses personnages excentriques. Je ne sais pas si ce sont les effets numériques outranciers, ou simplement le milieu, qui fait que l'authenticité semble avoir été troqué pour une conformité confortable, mais je n'ai rien retrouvé de ce que j'aimais dans le cinéma burtonnien... à part, çà et là, le goût pour l'atypique, lui-même bien fade à la vue des figures désincarnées de ces « enfants particuliers », ou la réminiscence d'un Vincent pas à sa place, dans le personnage de Jake.
C'est comme si l'alliage de l'idée et des moyens n'était plus possible – la séquence m'ayant arraché un sourire étant quand même celle du combat entre deux jouets, animée image par image – et que Burton ne pouvait s'empêcher de faire dans l'outrance, mettant de côté le minimalisme modeste qui faisait tout le charme de ses premiers films – où de simples flocons de neige s'épanchant sur le visage de Winona Ryder pouvaient provoquer l'émotion la plus pure – pour des effets visuels sans saveur, tristement impersonnels. Une énième aventure pour enfants, récit de formation raté, qui plus est, où rien n'émerveille jamais.
C'est sans compter sur le fait que l'intrigue soit grotesque au possible, tissée de fils rouges et d'explications expéditives, histoire de torcher le tout pour arriver au dénouement, sans qu'un seul enjeu intéressant ne soit jamais soulevé pendant les deux heures de film. Les quelques scènes de tension (que je trouve tout aussi ratées), censées canaliser tout l'intérêt de l'histoire, retombent comme un soufflé, dénuées de tout rythme, réduites à un enchaînement d'actions incohérentes (cf la mission de délivrance de Miss Peregrine) dont on se désolidarise complètement.
Il en va de même pour les personnages, auxquels il est difficile de réellement s'attacher étant donné qu'ils se limitent bien vite à leur faculté respective ; quid de celle qui donne son nom au titre, apparaissant une quarantaine de minutes à l'écran tout au plus ; sans que leur personnalité n'ait le temps de se déployer. Et la fin, au summum de la chose, est à l'image du reste du film : mal écrite, expédiée en cinq minutes chrono (à travers un flashback inutile), et surtout, surtout, terriblement inintéressante. Je suis sortie de la salle en rigolant, pas parce que c'était drôle, mais parce que c'était bidon.
Pitié pas de suite.