Mission a tout du grand film, et mêle avec un talent certain toutes les composantes propres à faire de lui une palme d’or sous l’égide de laquelle se rencontreront critique et public. Lyrique, pathétique, plastique, poignant, le film de Roland Joffé démontre un savoir-faire en matière évident.
Dès les premières images, l’exotisme historique d’un nouveau monde embarque le spectateur sur une rivière indomptable, où un prêtre crucifié atteste de la difficile cohabitation entre missionnaires et autochtones. Porté par la musique emblématique de Morricone, la pastorale de la jungle fonctionne à plein régime, et dans un double jeu plutôt habile : la nature est hostile mais fascinante, elle se conquiert par un chemin de croix qui va permettre aux européens qui le méritent d’expier leurs péchés vers un paradis originel. Le parcours de Mendoza, interprété par un De Niro alors au sommet de sa carrière, permet cette jonction entre le monde des hommes et l’ordre des jésuites où le très saint Jeremy Irons désincarne à la perfection la sagesse voltigeant au-dessus des vicissitudes de son temps.
C’est là l’autre point saillant du récit : faire de la mission le nœud d’enjeux qui la dépassent totalement. Alors qu’on croit en l’émergence d’une utopie, Dieu ayant rencontré ses ouailles dans un berceau édénique, le monde des hommes reprend le dessus. Les prêtres se voient confrontés à l’Eglise, aux questions politiques entre Portugais et Espagnols, au sort des Jésuites en Europe : résolument pessimiste, le récit bascule ici et empêche Mendoza de quitter totalement son passé, prenant en charge l’indignation du spectateur par sa révolte contre un ordre inflexible.
Alors que les deux figures s’affrontent pour faire face à l’adversité, l’un martyre, l’autre vindicatif, la longue dernière partie du film bascule vers le film d’aventure sans toujours faire dans la finesse, jouant à la fois la carte de la vengeance et sur la corde du pathétique par un massacre en règles. D’un rythme un peu pataud, desservis par une musique trop redondante, la lourdeur s’invite et désactive les enjeux bien plus fins qui s’étaient mis en place au centre du récit, pour nous donner à voir une une bande de prêtres guerriers
Mission est donc un beau film, qui semble un peu trop vouloir l’être, sans perdre pour autant son emphase ou son lyrisme, qu’on aurait pu souhaiter au service d’une réflexion un peu plus aiguisée sur les enjeux fascinants qu’il aborde.
(6.5/10)