Réalisé par Brian De Palma, Mission Impossible fut un pari rentable pour le cinéaste, qui faisait face à l’échec commercial de L’Impasse (1993). Tom Cruise était déjà à la production de ce qui n’était pas encore une saga. Inspiré par la série télévisée du même nom, le film suit l’action d’Ethan Hunt, piégé en pleine mission élaborée avec d’autres agents de l’IMF dont l’instigateur est Jim Phelps (Jon Voight) accompagné de sa femme (Emmanuelle Béart). Ne parvenant pas à dérober le disque qui est récupéré par un agent ennemi, Hunt est confronté à la mort de ses amis. C’est à lui et à la femme de celui qu’il admirait de se venger. Sous forme d’hommage à la série originale, l’introduction présente l’action filmée dans un format télévisé, où le spectateur ne voit que de loin, à travers le cinéma, la machination. Le thème musical de Danny Elfman reprend celui de Schifrin, et le film peut commencer.


Le début de ce scénario, entièrement écrit par David Koepp, rejoint ensuite par Robert Towne (La Firme, Jours de Tonnerre), brille avant tout par la succession de péripéties. Si l’on connaît l’adoration que voue De Palma à Alfred Hitchcock, elle est encore évidente ici dans l’écriture du récit d’espionnage. Ethan Hunt ne cesse de voyager à travers les pays, se retrouvant confronté aussi bien à des poursuites rocambolesques qu’à des réunions en apparence banales. Car le réalisateur ne souhaitait pas un film bruyant, disait-il, il condense l’action au strict nécessaire pour travailler la tension dramatique. Mission Impossible est une démonstration de la maîtrise du suspense par De Palma, qui amène progressivement la menace en intensifiant les circonstances. Il faudra d’abord passer par le brouillard, l’impossibilité de toucher physiquement le sol, pour affronter directement l’antagoniste à la fin du film.


Pour cela, le cinéaste met l’accent sur des thèmes bien présents dans son cinéma, tels que la trahison et l’identité. Avant que la saga ne devienne célèbre pour ses scènes spectaculaires, Mission Impossible repose sur un doute constant pour Ethan Hunt, qui évolue dans l’incertitude, tant visuelle qu’émotionnelle. Après le générique, où les techniques opérationnelles se dévoilent, De Palma refait Les Enchaînés (1946) d’Hitchcock en mettant en scène un jeu de massacre, où les tueurs restent inconnus. Bien sûr, cette utilisation de l’hors-champ renforce la colère de l’agent à ce moment précis, ainsi que son urgence. En quelques plans, le personnage change et ne semble plus aussi confiant. Les plans larges montrent les silhouettes des hommes au loin, sans que nous puissions connaître leurs perspectives. De Palma choisit ensuite de les cadrer de manière décalée, pendant les conversations, en trouvant des angles bien particuliers. Tout doit être déchiffré : les mots, les écrans et les hommes.


Mission Impossible fonctionne également en réappropriant les codes du film noir au-delà du simple film d’action, avec une femme fatale déguisée – qui semble être une telle à la fois physiquement (Kristin Scott Thomas) et moralement (Emmanuelle Béart) – ainsi que diverses manipulations qui mènent le héros d’un bout à l’autre du monde. Le cinéaste met l’accent sur la souffrance endurée par le personnage, à la fois à travers sa réalisation et les épreuves dramatiques traversées par Hunt. Encore novice au sein de l’IMF, l’agent doit mettre de côté son passé pour accepter d’avancer et de tenter l’impossible. Comme le Cary Grant de La Mort aux Trousses (1959), Hunt reste naïf et se fait séduire par une agente qui ne lui révèle pas tout, un motif déjà largement repris dans la saga 007, à la différence près qu’il maintient une certaine distance avec elle. Chez De Palma, il n’y a jamais de lien concrètement établi entre l’homme et la femme, et bien que les deux personnages soient attirés l’un envers l’autre, ils restent fondamentalement opposés, que ce soit dans leurs motivations ou leur comportement.


La scène d’infiltration silencieuse au milieu du film consacre une fois de plus l’amour que De Palma porte aux demi-bonnettes (split diopter), créant un effet de double profondeur de champ. Cela accentue encore davantage la tension de la séquence, qui repose sur une série de circonstances à la fois drôles, avec l’homme qui vomit, et stressantes. Les regards vers la caméra se succèdent pour mettre en évidence les difficultés rencontrées par Hunt pour télécharger la fameuse liste, à l’opposé de la confrontation finale qui possède tous les éléments d’un film d’action des années 90. En variant les plaisirs, le réalisateur combine ses influences pour expérimenter l’action à bord d’un train lancé à toute vitesse. Cela sera repris bien sûr dans les autres épisodes, tout comme l’utilisation du masque, un motif récurrent de la saga à venir…


A retrouver en intégralité : https://cestquoilecinema.fr/retrospective-mission-impossible-sur-la-corde-raide/

Créée

le 8 juil. 2023

Critique lue 26 fois

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William Carlier

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