Genre: yankee à la sauce HK


Suite au succès du premier film, Cruise remet le couvert 4 ans plus tard avec un second épisode signé John Woo qui détonne complètement par rapport au précédent.
Après un opus qui se construisait sur une montée progressive en tension par bloc de séquence, la star et investigateur de la franchise Tom Cruise choisit le cinéaste expatrié de Hong Kong. Sortant d’un Volte/Face avec succès commercial à la clé, l’un des plus grands cinéastes d’action d’Asie en activité se charge donc de donner une suite totalement différente du travail précédent.
Volet souvent décrié et considéré comme le plus mauvais de la saga, y revenir semble pourtant salutaire sur de multiples points.
En effet, à l’image basé sur un virus nommé la Chimère, le film semble complètement hybride à la fois dans la saga dans lequel il s’inscrit mais aussi dans le paysage du blockbuster hollywoodien.
Il est sans doute l’épisode le plus déconnecté de son matériau d’origine, ce qui a toujours été une volonté de Cruise. C’est avant tout le film mégalomane de son acteur. Pour s’en convaincre, la première scène avec un acteur aux cheveux dans le vent sur sa montagne, sorti d’une pub pour un shampoing suffit. Ethan Hunt devient alors un surhomme capable d’occire toute une armée d’homme de main dans un final pyrotechnique, reproduit le saut de Langley mais du haut d’un hélicoptère. Il personnifie totalement l’organisation pour laquelle il travaille tellement il faut lui trouver des remplaçants prenant son identité pendant son absence.
Sur un scénario improbable, à l’intérêt limité si ce n’est de mettre en avant sa star, John Woo compose à la fois un film risible et parsemé de séquences fascinantes.
On ne peut qu’être surpris au fond par le peu d’action du film. Il faut attendre près des deux tiers du film avant que Woo balance la sauce en pyrotechnique. L’attaque contre le QG du bad guy est un immense temple à la gloire de la chorégraphie de l’action du cinéaste chinois. Celui ci se permet des choses totalement impossibles dans un film grand public assumant un romantisme premier degré quand il s’agit de voir Ethan se battre parmi les colombes ou des gunfights au ralenti (marque de fabrique) dans le sable face à son némésis. Devant un traitement aussi cul cul de la relation amoureuse, le cinéaste arrive pourtant à en donner une expression de mise en scène étonnante avec un échange de regard à travers une robe de flamenco dans un Séville scintillant. De la même façon, l’apprivoisement de Hunt et Nyah (Thandie Newton) à travers un ballet de bolides pourrait paraître ridicule si seulement Woo y trouvait une incarnation bien meilleure que tous les dialogues tartes que l’on doit subir pendant le reste du film.
Le film recèle donc de séquences assez hypnotiques où la mise en scène confine à celle d’un ballet où les humains et les objets dépassent la gravité pour produire de l’art pour l’art (pour la beauté du geste en somme).
Ces ralentis, ces gros plans sur le bad guy et son acolyte (homo?), ces zooms dénotent complètement dans une production hollywoodienne. John Woo insuffle donc sa personnalité de metteur en scène dans cet opus sans se soucier des modes du moment. En ce sens, la saga M:I est intéressante car chaque opus est le reflet de son auteur. Il ne peut donc être reproché à Cruise d’avoir tenté autre chose que le précédent volet. Le film à sa manière est lui aussi anachronique tellement il appartient à un cinéma d’action des eighties et nineties sorti de Hong Kong où le réalisme est aux oubliettes. 
On peut être totalement hermétique au style de Woo mais M:I 2 est une oeuvre où le style est sa matière la plus intéressante améliorant un script assez catastrophique. Et c’est là que les difficultés commencent car le scénario n’a aucun intérêt. Le bad guy est totalement ridicule. La mission à base de virus mortel semble sorti d’une série Z totalement improbable. C’est d’ailleurs quand le film se sent obligé de nous dérouler le noeud dramatique qu’on s’ennuie sec. A l’image de son couple improbable créé en deux minutes, l’empathie et les enjeux du film nous passent par dessus la tête. On sent que Woo se fiche complètement de son scénario préférant expédier son histoire de virus avec un Hopkins venu cachetonner pour nous offrir une course en moto jouissive.
Le romantisme naïf, l’irréalité des scènes d’action-chorégraphies marquent de leur empreinte le film pour le meilleur et pour le pire.
Ce second volet est celui aussi du glissement de la saga vers le cinéma d’action de façon plus franche qui constituera un élément essentiel des volets suivants. Il incarnera aussi la personnification définitive de Cruise sur la franchise. Il est celui aussi qui ne possède pas de connexion avec le reste des autres opus. De façon presque honteuse, Hollywood n’assume pas un film venu d’une autre époque et aux codes bien plus hong-kongais qu’américains. Perdu au sein d’une industrie qui ne comprend pas une utilisation premier degré des codes cinématographiques, Woo produira beaucoup de déception chez ses fans aux Etats Unis pour mieux retourner chez lui par la suite comme son compère Tsui Hark.
A la fois passionnant et nanardesque dans ses excès, ce M:I 2 contient des perles cachées inattendues au sein d’un ensemble raté dont on ne reteindra que les éclairs de génie de Woo.

Sebastien_Perez
5
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le 13 août 2015

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Sebastien Perez

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