Il est des sagas dont on entend sans cesse une flopée de regrets à leur propos quant à leur développement à travers de nombreuses suites, souvent jugées toujours plus mauvaises au fur et à mesure que l’on avance dans le temps. Les Die Hard et autres Taken ont récemment eu la vie dure, et quand on pense que l’on est déjà au cinquième Mission : Impossible, on peut légitimement serrer les dents et se poser des questions. Mais je dois dire que ce Mission : Impossible – Rogue Nation fait belle figure d’exception à ce phénomène.


Ce qui est souvent reproché aux suites qui s’éternisent, c’est leur éloignement progressif par rapport à l’esprit original de la saga, et leur essoufflement. Mission : Impossible – Rogue Nation parvient à esquiver ce piège en s’inscrivant dans une logique tout à fait différente, et imputable à la bonne tournure que prend la franchise. En effet, on constate que la saga Mission : Impossible gagne en maturité et parvient à évoluer dans le bon sens au fil des années, tout en gardant sauve l’âme de Mission : Impossible, grâce à l’utilisation des ingrédients qui font son charme.


Pourtant, ce n’était pas chose aisée, car la production et la réalisation des cinq films est bien loin de suivre un schéma linéaire. Initiée en 1995 grâce à Brian De Palma (Scarface, L’Impasse, Carrie au bal du diable) avec Mission : Impossible premier du nom, pur film d’espionnage avec une touche frenchie, mettant en avant l’infiltration et ses techniques, notamment grâce à la fameuse scène de la descente en suspension accroché à un câble, la saga a pris une tournure différente au fil des épisodes. Le second, réalisé par John Woo (Volte/Face), est davantage décrié pour son apparence de gros blockbuster plein d’action et de clichés, délaissant l’intrigue complexe théoriquement héritée du premier. Le troisième, signé J.J Abrams (réalisateur du futur Star Wars VII : Le réveil de la force) renouait avec les origines et permettait de toucher Ethan Hunt en plein cœur afin de montrer d’autres facettes du personnage. Le quatrième, enfin, réalisé par Brad Bird (jusqu’ici surtout connu pour des films d’animation tels que Le Géant de Fer, Les Indestructibles ou plus récemment A la poursuite de demain), relançait la saga avec une nouvelle équipe, et mélangeait les genres avec réussite.


Bien sûr, ce nouveau départ n’impliquait en rien que le cinquième opus en soit une suite directe. Pourtant, Christopher McQuarrie (qui a déjà collaboré avec Tom Cruise dans Jack Reacher en 2012) a fait ce choix en poursuivant avec la même équipe afin de se lancer dans Mission : Impossible – Rogue Nation. Ainsi, on a l’impression que ce cinquième opus s’inscrit dans une nouvelle saga dans la saga, héritant directement de son prédécesseur, qu’il s’agisse de retour de ses personnages principaux, que du style du film même. Le choix est tout à fait payant, et permet donc d’intégrer la saga Mission : Impossible dans une nouvelle ère.


Si l’on s’intéresse maintenant au film lui-même, on constate rapidement qu’il reprend des composantes très classiques d’un film d’action/espionnage : un héros charismatique et incassable, un second rôle comique pour apporter une touche d’humour, un méchant froid et repoussant, une femme fatale, des courses poursuite, etc. Peut-on alors dire que Mission : Impossible – Rogue Nation rate le coche en se mélangeant au reste pour n’être qu’un banal film comme les autres ? Non.


En effet, le film s’avère très surprenant par l’équilibre qu’il parvient à maintenir entre ces diverses composantes. Ce cinquième opus parvient avec succès à garder intact l’esprit des Mission : Impossible, et se permet même de leur donner un nouveau souffle en s’adaptant à l’époque actuelle et en tirant le meilleur des quatre précédents. Résolument complet, j’aurais tendance à dire que Mission : Impossible – Rogue Nation est à la saga Mission : Impossible ce que Skyfall est à la saga James Bond.


Tom Cruise, 53 ans, ne prend toujours pas une ride et se livre corps et âme dans ses films, n’hésitant pas à réaliser lui-même les cascades. Simon Pegg est le parfait sidekick humoristique, détendant l’atmosphère sans l’alourdir. La très belle Rebecca Ferguson est des plus convaincante dans son rôle d’équivalent féminin d’Ethan Hunt, et Sean Harris endosse à merveille le rôle du méchant antipathique, sans pitié, redoutablement intelligent et machiavélique. On regrettera en revanche le trop faible développement du personnage de Jeremy Renner, mieux exposé dans Mission : Impossible Protocole Fantôme, mais dans l’ensemble, la palette de personnages est plus qu’intéressante et permet de développer une intrigue attrayante et riche en rebondissements.


Sans atteindre la perfection, Mission : Impossible – Rogue Nation parvient à réussir un joli tour de force à une époque où suites, remake et reboots se multiplient à la vitesse grand V. Divertissement très efficace mais certainement pas stupide, le film parvient à tenir en haleine le spectateur tout en le poussant à réfléchir au fil de cette vaste enquête très complexe. Entre l’excellente scène de l’opéra, la course-poursuite haletante en moto, et le scénario bourré de rebondissements, le spectateur en prend plein les yeux, sans être totalement aveuglé.


Nul doute que ce cinquième opus de la saga Mission : Impossible était attendu, sans être l’une des grosses cotes de l’année. Pourtant, il se permet de conquérir son public, voire plus, et bénéficie d’un retour critique globalement positif, auquel je me joins bien volontiers. Bien mené, bien dosé et bien rythmé, ce cinquième Mission : Impossible m’a fait poursuivre dans la dynamique dans laquelle m’avait lancé Mission : Impossible Protocole Fantôme, en insufflant un vent de fraîcheur à la franchise avec succès. Il ne nous reste plus qu’à attendre le prochain, et nous avons tout à fait le droit d’être confiants !


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le 16 août 2015

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