Mission Impossible était jusqu'en 1996 une agréable série qui contait les aventures trépidantes d'une bande d'agents secrets, ou chacun avait son importance, sous la direction d'un certain Jim Phelps. En 1996 Brian De Palma et le tout-puissant Tom Cruise revisitent le mythe et créent un personnage sur mesure pour le dernier cité : Ethan Hunt. Depuis il y a eu une série de quatre films inégaux dont on peut dire, en évitant de se mettre en port-à-faux, que le dernier était le meilleur, sans être toutefois transcendant. Qu'en est-il de ce dernier opus, le cinquième ?



Qu'est qu'on a fait au Bond-ieu ?



Eh bien c'est fort simple. Il s'agit de celui qui tire le plus sur la veine bondienne. Les références sont presque grossières : la scène du début rappelle, en plus courte, celle juste avant le final dans The Living Daylights (Tuer n'est Pas Jouer), Ethan Hunt en smoking fait penser à Daniel Craig en moins classe et en plus petit (rien de personnel monsieur Cruise, juste un fait) et bien sûr, le final à Londres rappelle Skyfall. Sans oublier le méchant de l'histoire, qui est un anti-IMF, tout comme Silva dans Skyfall travaille, dit-il, tel un James Bond mais indépendant, quand il l'invite à faire partie de son organisation. Il a d'ailleurs les cheveux blonds comme Javier Bardem, mais avec une tête de chihuahua. Magique.
Mais il y encore une inspiration plus évidente, et même une réutilisation encore plus ostensible : le voyage à Vienne ou Ethan Hunt doit repérer un méchant dans l'assistance d'un opéra. En effet dans Quantum of Solace, Bond se rend aussi à l'opéra et également en Autriche, à Bregenz. Il doit pareillement repérer des personnalités d'une organisation ennemie et l'opéra auquel il assiste est Tosca, également composé par Giacomo Puccini (ici il s'agit de Turandot)*. Le combat que mène Ethan Hunt sur une passerelle, entre des cordes, ressemble à celui de Bond contre Mitchell, sur une plateforme de travaux, en étant aussi accroché à des cordes. En résumé dans Mission Impossible : Rogue Nation, la production a utilisé deux scènes de Quantum of Solace et les a fusionné. Encore une tentative de faire du James Bond. Sans vraiment y arriver, évidemment.
Je sais que Tom Cruise sait préparer des Cocktail(s) mais son coup de shaker n'a pas le tact bondien. Mais il a l'ego-trip fort dégoulinant.



L'Ego-trip cruisien ou l'Oblivion de l'Esprit d'équipe



Résumons la situation présentée durant ce film en un mot : Tom Cruise est ridicule d'égomanie et n'en peut plus de lui même, dans les scènes d'action, notamment. Le scénario est le canevas parfait pour qu'il n'y ait que lui à l'écran et que les interventions des autres protagonistes du fameux IMF soient réduites à peau de chagrin. Pourtant Jeremy Renner c'est Hawk Eye. Ok ?
Et cet excès de Ethan Hunt à l'écran est fort dérangeant pour une raison simple : comme évoqué plus haut, Mission Impossible c'est l'histoire d'une équipe pas d'un seul homme. Encore une fois ce n'est pas Bond. Ce n'est même pas Jason Bourne. Et d'ailleurs ce n'est même pas moi qui le dit, oh non, c'est le film lui même, qui insiste à plusieurs reprises sur le fait que l'IMF doit rester en place, qu'ils sont tous amis et qu'il forme une équipe. Une équipe. Pourtant, force est de constater que le film montre continuellement l'inverse.
C'est dommage car dès le début, le premier plan sur Tom Cruise semble avoir été fait avec humour. Toute la première séquence même. Ce qui est troublant c'est que le film semble hésiter à prendre du recul sur lui-même (par exemple lors de cette scène ou le personnage d'Alec Baldwin évoque Ethan Hunt) ou à servir Tom Cruise. Et finit par choisir la seconde option.
Et les autres ? Et le reste du film ? Ils sont réduits à l'état de …



Dommage Collatéral



Nous avons donc, dans le désordre : Simon Pegg qui crie dans une M5, en pleine course-poursuite, juste pour avoir un ressort comique à tout prix, une vraie-fause-vraie-on-sait-plus-peut-être méchante qui a le nez de Pinocchio (c'est mal de se moquer du physique, mais dans ce genre de film c'est vraiment étonnant) et qui ne sait faire qu'une seule prise de Ju-Jistsu, un Jeremy Renner neutre, des idées de scènes sympathique massacrées par un montage répétitif, une poursuite en moto du niveau du deuxième volet (sic) et un chef du MI6 caricaturale. On sent à ce propos que les américains qui ont fait le film veulent prendre leur revanche sur les railleries dont ils sont victimes, une fois encore, dans les films de 007. Il n'y a qu'Alec Baldwin qui tire son épingle du jeu en fin de compte.
Les scènes sont enchainées à marche forcée et collées les unes aux autres sans liant, sans inspiration. Toujours le même montage : vue d'ensemble avec caméra tournoyante, rapprochement du bâtiment concerné, on voit les héros, les méchant, l'objectif et c'est parti. Le tout parsemé de trois blagues écrites par Kev Adams.
Tout cela le long d'un scénario poussif, où tous les rebondissement ne sont pas seulement téléphonés mais carrément télégraphiés. Car l'ensemble est lent et on procède ici à un continuel recyclage des scènes qu'on a vu mille fois dans d'autres films du même acabit, sans modifications, sans surprises ou même sans coloration spécifique.
Reste la musique, toujours entrainante, mais bon, elle a été composée par Lalo Schifrin en 1966.
On peut se demander au fond, si dans le domaine du film d'espionnage, il fallait peut être s'arrêter à la vision du sympathique Spy cette année, avant de voir Spectre en novembre.



Conclusion : la Mission est Impossible et reste un Horizon Lointain



Résumons : si on vous propose de boire un milk-shake avec du lait bondien et de la glace Vanilla Sky, dites "non merci, je ne veux pas risquer l'indigestion avant que le champagne n'arrive en fin d'année". Surtout qu'après Spy et Mission Impossible : Rogue Nation, l'industrie Hollywoodienne surfant sur la vague 007, va nous gaver d'espions et de super-agents avec American Ultra, The Man From U.N.C.L.E. , Hitman 47 et je dois en oublier. "Bon appétit", comme dirait Sean. Ou Timothy.


*pour se rafraîchir la mémoire : Etude de la scène de l'opéra dans Quantum of Solace

Fiuza

Écrit par

Critique lue 649 fois

4

D'autres avis sur Mission: Impossible - Rogue Nation

Mission: Impossible - Rogue Nation
Sergent_Pepper
7

Rien de neuf, un effet bœuf.

Le plaisir éprouvé devant ce cinquième opus de la saga occasionne un questionnement légitime : comment expliquer qu’on puisse se satisfaire de l’inertie d’un tel cahier des charges lorsqu’on fustige...

le 12 août 2015

108 j'aime

9

Mission: Impossible - Rogue Nation
zombiraptor
8

Tom, sweet Tom

Rarement je n’ai été si reconnaissant envers le cinéma d’action actuel d’être ce qu’il est. C’est grâce à une uniformisation constante et résignée dans la surenchère et l’euphorie du second degré...

le 15 août 2015

93 j'aime

42

Mission: Impossible - Rogue Nation
SanFelice
7

Ethan Hunted

Christopher McQuarrie est le scénariste de Usual Suspects. Rien que pour cela, il mérite toute ma sympathie. Ayant aussi écrit le précédent Mission impossible, il a toute mon attention pour ce film...

le 13 août 2015

44 j'aime

12

Du même critique

Thor: Ragnarok
Fiuza
4

On frôle la ca-Thor-strophe

Avertissement : ce texte peut contenir certaines révélations sur l'intrigue du film Thor 3 est un film qui ne manque pas d’humour. Et c’est là le principal problème. En effet, pratiquement chaque...

le 25 oct. 2017

60 j'aime

4

Westworld
Fiuza
5

A l'Ouest d'Adam … rien de nouveau

Après l'épisode 1 (note 8) Jonathan Nolan revient avec une série où lui et son équipe développent les thèmes qu'il aimait déjà dans Person of Interest. Intelligence artificielle, pouvoir caché,...

le 8 oct. 2016

39 j'aime

16

Mademoiselle
Fiuza
1

M*rdemoiselle 

Propos liminaires Double avertissement à mes aimables lectrices et lecteurs : ce texte est plus un avis argumenté, un genre de tribune, qu'une analyse critique. J'ajoute que des parties de l'œuvre...

le 22 nov. 2016

32 j'aime

22