Mississipi Burning est un film à montrer dans les établissements scolaires : c’est là son mérite, c’est là sa limite.
Document précieux sur la ségrégation américaine, il dresse un tableau effrayant de l’année 1964 dans l’état du Mississipi. L’intérêt de la construction est celui de mettre en réseau quatre communautés qui ne parviennent pas à communiquer : les Blancs affiliés au Klan, les Noirs, et parmi les fédéraux, l’individu de Washington idéaliste (Dafoe) face au flic provincial, pragmatique et plus cynique (Hackman, qui ayant beau s’empâter un peu avec l’âge, garde toujours un sourire et une présence uniques). Autour d’une traditionnelle affaire de disparition, Parker enquête davantage sur les liens et les haines qui s’exacerbent que sur la résolution, éventée dès le départ, du triple meurtre.
Les rapports fonctionnent par conflagration : l’état fédéral exacerbe les haines et les revanches sur une population noire qui préférerait ne rien dire, et le duo d’agents se déchire sur les méthodes à pratiquer. L’enquête, très longue et parsemée d’échecs, démultiplie les exemples et les victimes, pour générer un tableau effrayant de la situation. Les scènes d’exaction, répétitives et éprouvantes, sont pourtant moins efficaces que les séquences qui voient les locaux observer avec ironie la recherche des corps, et les langues se délier face aux médias. Cinquième force en présence, ceux-ci pullulent et font témoigner les blancs qui donnent un bel aperçu de la haine ordinaire ancrée dans leur éducation.
Reconstitution classieuse, interprétation à l’avenant, le film d’Alan Parker fait donc son boulot et nous indigne efficacement.
La question est de savoir dans quelle mesure la dimension didactique du film aurait pu être malmenée par davantage de subtilité. L’ensemble reste très binaire, et ce qui promettait une remise en question de l’idéalisme fédéral par le débat Hackman/Dafoe vire à la résolution brutale et frileuse à la fois. Face à l’échec de la loi et au mutisme des victimes, la méthode forte s’impose : menaces, loi du talion, pour un petit frisson revanchard du spectateur qui n’est pas à mon sens du meilleur goût. Frileux, car l’on se garde bien d’aller trop loin, se contentant de « jouer à » pendre ou castrer au rasoir, les peureux blancs craquant très vite. Il n’en demeure pas moins que c’est bien la méthode prônée pour résoudre la situation. Cette façon de reprendre les rênes d’un thriller finalement basique et de satisfaire les attentes d’un public a quelque chose de dérangeant sur un pareil thème qui méritait probablement davantage de subtilité… et donc, sûrement, de pessimisme.