Trompette et tromperies
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le 19 sept. 2020
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Sorti en plein rush hyperactif de son auteur, soit un an après Do the Right Thing et un an avant Jungle Fever, Mo' Better Blues apparaît presque comme un Spike Lee mineur. Il est pourtant sa première collaboration avec Denzel Washington, ce qui n'est pas rien quand on connaît la suite.
Avec pour décor un club de jazz virtuose, il s'agit d'une comédie romantique mettant en perspective le narcissisme des personnages qui le peuplent et gravitent autour. Les musiciens, les artistes, sont ici systématiquement des égoïstes ou tout du moins des personnes autocentrées. Difficile de ne pas y voir un aveu de Spike Lee, qui semble presque en train de justifier son acariâtreté. Son personnage d'agent minable et accroc au pari sportif est un faux semblant, c'est bien le point de vue du personnage de Denzel Washington qui est celui de l'auteur.
Denzel est particulièrement beau et charismatique dans son rôle de trompettiste incapable d'accorder l'attention nécessaire à ses proches. Ses partenaires Joie Lee, Cyndia Williams et Wesley Snipes ne sont clairement pas en reste en termes de classe et d'éclatage d'écran.
D'un point de vue narratif comme visuel, Lee est une nouvelles fois dans sa transposition de la Nouvelle Vague à New York, peut-être moins évidente que dans She's Gotta Have It mais tout aussi vive. Pour témoin de cette démarche, on a des indices comme la petite amie française de Giancarlo Left Hand Esposito, la façon très romantique et expérimentale de filmer le sexe ou les dialogues souvent noyés dans la musique. Le jazz est évidemment omniprésent et de façon souvent jouissive, que ce soit avec les prestations du groupe souvent bien intégrées au récit ou avec le jazz modal de Miles et Coltrane en fond sonore sur le reste du film.
Dans une mise en scène colorée et des costumes et décors très d'époque (fluo, satin et jabots) mais bizarrement charmant, le ton est assez léger pendant 80% du film avant de sombrer un peu trop subitement...
...dans une courte et pas très bien amenée descente aux enfers et une rédemption trop facile et pas franchement consentie de sa sauveuse.
Difficile également de passer à côté de la misogynie ambiante du film, certes réaliste dans le sens où elle est le reflet d'un environnement sexiste, mais avec laquelle le script ne prend pas de distances ni ne punie ses auteurs, à l'image des blagues du stand-up comedian.
Mo' Better Blues, malgré ses défauts, reste un film plein de charmes portés par des acteurs attachants, une ambiance suave et douce-amère. Plus, il est à la fois une comédie romantique réussie et un vrai film introspectif d'un auteur qui porte ici un regard autocritique sur la position de l'artiste dans le privé.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 1990 et Les musiciens ne sont pas des gens biens.
Créée
le 24 févr. 2021
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